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Libération
Partielle

Un cyberactiviste entre à l’Assemblée tunisienne

Yassine Ayari, connu pour ses diatribes antigouvernementales, a remporté dimanche la législative partielle dans l’une des circonscriptions des Tunisiens de l’étranger.
Yassine Ayari, à Paris en janvier 2016. (Photo Mathieu Zazzo.)
publié le 19 décembre 2017 à 7h44

Yassine Ayari, cyberdissident lors de la révolution de 2011, a été élu dimanche député de l'une des circonscriptions des Tunisiens de l'étranger (celle de l'Allemagne). Les prochaines séances au Bardo, siège de l'Assemblée des représentants du peuple, risque d'être agitées : l'activiste de 36 ans s'est toujours montré particulièrement virulent envers le pouvoir en place qui a, selon lui, confisqué la révolution. «J'attends que le Vieux [Béji Caïd Essebsi, le président tunisien], ce dictateur élu, meure», lançait-il ainsi dans les colonnes de Libération le 16 janvier 2016. Dimanche, ses mots étaient un peu plus mesurés sur sa page Facebook. Yassine Ayari se dit «très conscient du poids des responsabilités et de la portée de cette victoire contre la frustration et la coalition au pouvoir».

«Caractère provocateur»

Ses compagnons de lutte s'étaient éloignés de lui après 2011, regrettant son rapprochement avec les courants islamistes. Yassine Ayari critique en effet l'opposition «bourgeoise» des anciens blogueurs révolutionnaires plus prompts, selon lui, à manifester pour les droits des homosexuels et contre la criminalisation de la consommation de cannabis qu'à se battre contre la torture. «Pour moi, Yassine Ayari ne représente pas la jeunesse tunisienne. Il portera l'idéologie de son parti, c'est tout», tacle la réalisatrice Ines Ben Othman, qui avait été arrêtée en décembre 2014 quelques jours avant Ayari – tous les deux pour «diffamation contre des agents dépositaires de l'autorité publique». Ce dernier a passé quatre mois en prison avant de s'exiler en Europe.

Yassine Ayari a été élu sur l’étiquette Al-Amal, une petite formation politique qui a reçu le soutien du parti Mouvement Tunisie Volonté (social-démocrate) de Moncef Marzouki, ancien président de la République (2011-2014). Seuls 5 % des inscrits (1 325 électeurs au total) se sont déplacés aux urnes, contre 29 % lors des précédentes élections en 2014. L’ancien révolutionnaire a battu Faycel Haj Taïeb, le candidat de Nidaa Tounes (la formation présidentielle) qui était aussi soutenu par Ennahdha, le parti islamiste appartenant à la coalition au pouvoir.

«Ayari est connu pour son caractère provocateur et son franc-parler, mais ce résultat est avant tout une grande défaite pour les partis en place», analyse le chercheur indépendant Fadil Aliriza. Cet automne, c'est Hafedh Caïd Essebsi, le propre fils du président et dirigeant de Nidaa Tounes, qui envisageait de se présenter à cette élection. «Le cauchemar qui s'est abattu sur le pays depuis 2014 [l'élection de Béji Caïd Essebsi à la présidence devant Moncef Marzouki, ndlr] peut être vaincu», affirmait dimanche Yassine Ayari. Il devrait commencer à siéger en début d'année prochaine.