L’obsession de l’identité qui mine l’Europe a trouvé une nouvelle illustration en Catalogne. Le mur du son du sectarisme a été largement franchi pendant la campagne qui s’achève. L’argumentation rationnelle a disparu du discours public, désormais tissé d’insultes sonores. Les «espagnolistes» tiennent les indépendantistes pour de dangereux hors-la-loi qui ne méritent que la prison ; lesquels voient dans leurs adversaires des fascistes purs et simples. Tel le soleil sur le crâne de Don Quichotte, le nationalisme rend fou : ainsi ces habitants de Catalogne qui vivaient pacifiquement ensemble depuis des décennies tiennent désormais un langage de guerre civile. La violence n’est pas loin et on redoute les conséquences du scrutin, quel qu’en soit le résultat. Les uns se sont assis sur la loi pour développer leur projet séparatiste ; les autres l’ont utilisée avec une rigueur brutale pour réprimer les indépendantistes. En les transformant en martyrs, ils leur ont donné leur meilleur argument.
D’incertains sondages placent légèrement en tête la candidate de Ciudadanos, anti-indépendantiste énergique et féministe. Mais en tout état de cause, le ou la gagnant(e) devra encore trouver des alliés pour gouverner, tâche si malaisée qu’un socialiste placé en quatrième position dans les enquêtes d’opinion se voit déjà gouverner. La défaite des indépendantistes mettrait sans doute un coup d’arrêt à la crise mais ne désarmera en rien leur virulence ; leur victoire ouvrirait une nouvelle période d’affrontement avec Madrid. L’Union européenne regarde avec anxiété cette élection de la haine ; pour l’instant, elle soutient le gouvernement central au nom de la légalité. Mais si rien ne s’apaise, elle aura le devoir de s’interposer, sauf à courir le risque de voir l’un de ses membres s’enfoncer dans une bataille folle où tous perdront, à commencer par elle-même.