Menu
Libération
Éditorial

Digues

publié le 27 décembre 2017 à 21h06

Orwell l'avait imaginée, Xi Jinping l'a réalisée. La société du flicage de masse décrite dans le célèbre 1984, qui nous paraissait de la pure science-fiction il y a quelques années encore, est devenue une réalité en Chine. Caméras omniprésentes, systèmes de reconnaissance faciale, cybersurveillance… les nouvelles technologies, au lieu de renforcer les libertés individuelles comme certains pouvaient l'espérer, y ont été mises au service d'une société obsédée par le contrôle permanent de tout geste, voire de toute pensée. Témoin, l'existence, dans l'appareil chinois, d'une très orwellienne «Administration du cyberespace» chargée de censurer le Web. Objectif : éviter le moindre début de rébellion concertée au niveau national, voire fourbie par l'étranger. Les dirigeants chinois ont encore en tête cette réflexion de Mao : «Une seule étincelle peut allumer un feu de prairie.»

Cette société-là préfigure-t-elle le monde de demain ou reste-t-elle étroitement liée à la nature du régime chinois qui a tous les atours d’une dictature ? Pour l’heure, les démocraties ont encore des digues qui tiennent bon. Notamment un arsenal législatif qui permet d’éviter les dérives policières et sécuritaires. Mais on sent se développer ici ou là des tentations de contrôler voire limiter les libertés individuelles. Au nom, notamment, de la sécurité nationale et de la lutte contre le terrorisme. Qui aurait dit il y a quelques années que, dans un pays comme la France, des dispositions de l’état d’urgence finiraient par être inscrites dans le droit commun ? A chacun d’entre nous d’entretenir une vigilance de chaque instant. Big Brother a bien plus d’attrait quand il reste un objet de fiction.