De Raqqa, dans le nord-est de la Syrie, il ne reste que des ruines. En octobre, après onze mois de combats et de bombardements, les jihadistes de l’Etat islamique en ont été chassés par les forces kurdes. Ils ont perdu la capitale syrienne de leur califat proclamé à l’été 2014. Ils ne peuvent plus filmer des décapitations sur la place de l’Horloge ou parader avec chars et blindés sur les ronds-points au carrefour Al-Naïm. Raqqa est en lambeaux, comme le proto-Etat que l’organisation jihadiste avait bâti entre Syrie et Irak. En juillet, l’Etat islamique avait déjà été éliminé de Mossoul, la deuxième ville irakienne, la plus grande qu’il ait jamais contrôlée. Comme à Raqqa, les combats et les bombardements de la coalition internationale ont tué des centaines de civils piégés derrière les lignes de front. Le califat n’est plus un territoire.
Mais l’Etat islamique a-t-il disparu avec ses frontières ? Le Premier ministre irakien, Haïder al-Abadi, l’a affirmé. Comme Vladimir Poutine et Donald Trump. Les jihadistes n’ont plus de place forte en Syrie et en Irak. Mais ils restent présents dans les déserts qui bordent l’Euphrate. Ses fondateurs, dont Abou Bakr al-Baghdadi, plusieurs fois donné pour mort mais probablement toujours vivant, ont l’habitude de la clandestinité. Ils l’ont pratiquée en Irak à partir de 2007. Ils avaient attendu cinq ans avant de mieux renaître à la faveur de la guerre syrienne.
Et si l’écrasement de son califat l’empêche de continuer à attirer des jihadistes venus d’Europe, d’Afrique et d’Asie, l’Etat islamique s’est déjà propagé. Il a des branches à travers le monde, en Afghanistan, en Egypte, au Yémen ou aux Philippines. Il a aussi ses partisans en Irak et en Syrie, qui ont échappé à la mort ou à la capture. Il peut en gagner de nouveaux, si les dirigeants au Moyen-Orient, en Irak en premier lieu, ne rompent pas avec les politiques sectaires et discriminatoires à l’égard des populations sunnites.