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Diplomatie

Erdogan à l'Elysée, un invité qui ne fait pas l'unanimité

Des associations ont appelé Emmanuel Macron a condamner «l'injustice qui frappe les journalistes» alors que les arrestations se sont multipliées en Turquie. Le président français, qui veut maintenir une ligne «pragmatique» à l'égard d'Ankara, a assuré que le sujet des droits de l'Homme serait évoqué.
Emmanuel Macron et Recep Tayyip Erdogan, le 25 mai à Bruxelles au sommet de l'Otan (Photo Eric FEFERBERG. AFP)
publié le 5 janvier 2018 à 7h19
(mis à jour le 5 janvier 2018 à 7h26)

Journée délicate pour le président Macron, qui accueille aujourd’hui son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan. Si le programme des discussions semble en soi assez classique (partenariat franco-turc, lutte anti-terrorisme, dossier syrien etc.), l’invité, lui, ne fait pas vraiment l’unanimité. Plusieurs figures politiques de gauche ont d’ailleurs vivement condamné la venue du président turc à l’Elysée.

Il faut dire que depuis la tentative de coup d’Etat manquée du 15 juillet 2016, l’homme fort de Turquie a lancé de violentes purges au sein des institutions de son pays. Résultats : en un an et demi, près de 55 000 personnes ont été arrêtées et plus de 150 000 ont été mises à pied, soupçonnés d’être en lien avec le mouvement de l’imam en exil Fethullah Gülen (accusé par le pouvoir d’être le cerveau du putsch raté).

Un tour de vis autoritaire qui s'est depuis largement étendu aux partis d'oppositions (notamment à la formation de gauche pro-kurde, le HDP), aux associations, ainsi qu'à la presse indépendante, comme ont voulu le rappeler à Emmanuel Macron, des organisations de journalistes, dont Reporter Sans Frontières. Dans un communiqué, publié hier, ils ont appelé le chef de l'Etat à «dénoncer avec fermeté l'injustice qui frappe les journalistes turcs» dans leur pays, devenu «la plus grande prison du monde pour les professionnels des médias».

153 journalistes derrière les barreaux

Selon la plateforme P24, 153 journalistes sont actuellement derrière les barreaux, accusés par la justice turque de soutenir le mouvement güléniste ou le Parti des Travailleurs du Kurdistan (considéré comme terroriste par l’UE et les Etats-Unis). En plus d’un an, 180 organes de presse ont été fermés sur décret. Et depuis des mois maintenant, les procès contre des journalistes et des collaborateurs de plusieurs médias se multiplient à un rythme effréné dans les tribunaux d’Istanbul et à Ankara.

Face à ces inquiétudes, Macron a annoncé lors des traditionnels vœux à la presse qu'il évoquerait aujourd'hui les sujets «des journalistes emprisonnés» (et des droits de l'homme a également précisé ensuite l'Elysée) avec Recep Tayyip Erdogan. Mais pour Ibrahim Kalin, le porte-parole de la présidence turque, le chef de l'Etat français «manquerait d'informations» sur le sujet. Des «manques» que son homologue turc se chargera de combler, semble-t-il, lors de sa visite.

En recevant aujourd'hui le président turc à Paris, et ce malgré les inquiétudes de défenseurs des libertés, en France et en Turquie, Macron maintient une nouvelle fois sa ligne «pragmatique» à l'égard d'Ankara. L'objectif reste le même : «éviter la rupture» et garder les canaux de communication bien ouverts avec un partenaire, certes compliqué, mais incontournable dans la région (notamment pour les questions de lutte antiterroriste).

De son côté, Ankara, très isolée diplomatiquement, semble ces dernières semaines vouloir réchauffer ses relations avec ses partenaires européens, après une année 2017 plus que chaotique. Une volonté résumée cette semaine très simplement par Erdogan à des journalistes turcs lors d'un voyage officiel : «Nous devons réduire le nombre d'ennemis et augmenter le nombre d'amis».