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Libération
Crimes de guerre

«Femmes de réconfort» : Séoul ne comptera plus sur Tokyo

La Corée du Sud a décrété mardi qu'elle ne cherchait plus à renégocier l'accord de 2015 signé avec le Japon pour régler le contentieux des esclaves sexuelles de la Seconde Guerre mondiale. Elle puisera désormais dans ses fonds pour indemniser les victimes survivantes.
Lors d'une manifestation à Séoul, le 30 décembre 2015. (Photo Jung Yeon-je. AFP)
publié le 9 janvier 2018 à 15h06

La querelle historique entre Séoul et Tokyo ne prend le chemin de l'apaisement qu'en apparence. Le gouvernement sud-coréen a indiqué mardi qu'il ne renégociera pas l'accord conclu il y a deux ans avec le Japon sur les «femmes de réconfort», ces 200 000 esclaves sexuelles de l'armée impériale nippone pendant la Seconde Guerre mondiale.

Il y a dix jours, Séoul avait pourtant remis en cause le document que le précédent gouvernement de la présidente Park Geun-hye – aujourd'hui destituée et poursuivie pour corruption – avait signé avec le Premier ministre japonais, Shinzo Abe.

En décembre 2015, les deux équipes se sont entendues pour conclure un accord «définitif et irréversible». Le Japon présente alors ses «excuses et ses regrets sincères à toutes celles qui ont enduré une douleur incommensurable et des blessures physiques et psychologiques incurables en tant que femmes de réconfort». Il reconnaît que «l'honneur et la dignité de nombreuses femmes ont été gravement atteints avec l'implication de l'armée japonaise» et que de ce point de vue, le «gouvernement japonais assume pleinement sa responsabilité».

Tokyo verse alors un milliard de yens (soit 7,4 millions d'euros) de dédommagements à une fondation afin d'aider les 31 «femmes de réconfort» sud-coréennes toujours en vie. En 1965, les Japonais avaient déjà versé des indemnisations alors que les deux pays normalisaient leurs relations.

«Très imparfait»

Coup de théâtre le 27 décembre : la Corée du Sud juge que le document de 2015 a été «finalisé essentiellement sur la base des points de vue du gouvernement, sans prendre en compte l'opinion des victimes dans le processus de négociations», selon les termes d'un rapport d'enquête de 31 pages demandé par le président sud-coréen Moon Jae-in, élu en mai.

Dans un communiqué présidentiel, signe de l'importance accordé au contentieux historique, Moon juge même le document «très imparfait. […] Bien que l'accord de 2015 était un accord officiel approuvé par les dirigeants des deux pays, je tiens à souligner que l'accord ne règle pas le problème des femmes de réconfort». Il demande alors à son administration de «prendre des mesures de suivi au plus tôt».

Séoul s'est donc exprimé ce mardi. Par la voix de la ministre sud-coréenne des Affaires étrangères, Kang Kyung-wha, le pays a admis qu'il était «indéniable» que cet accord avait été officiellement validé par les deux gouvernements. «Notre gouvernement ne demandera donc pas la renégociation de l'accord au gouvernement japonais», a poursuivi Kang Kyung-wha. Mais Séoul, qui s'en tient à des questions de principe et d'honneur, a indiqué qu'elle n'utilisera plus l'argent japonais pour aider les survivantes.

«Prostituées professionnelles»

Elle puisera sur ses propres fonds, tout en demandant à Tokyo «des excuses volontaires et sincères». Les Sud-coréens mettent en doute la réalité du mea culpa nippon et diverses personnes dans l'entourage de Shinzo Abe ont à plusieurs reprises jeté un doute sur les intentions de réconciliation. En janvier 2016, un député du Parti libéral démocrate d'Abe, Sakurada Yoshitaka, avait parlé de «prostituées professionnelles» pour qualifier ces femmes.

«Nous ne pouvons en aucun cas accepter les demandes de mesures supplémentaires de la part de la Corée du Sud, a déclaré Taro Kono, le ministre japonais des Affaires étrangères, mardi. Au moment où nous sommes confrontés à la menace nord-coréenne, l'accord est une base indispensable pour la coopération entre le Japon et la Corée du Sud dans divers domaines et pour la création de relations futures.» Et pour sceller le passé.