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Décryptage

Pêche électrique: quelles suites après le non du Parlement européen ?

Réunis à Strasbourg ce mardi, les eurodéputés ont voté à une très large majorité l'interdiction de cette pratique dans les mers de l'UE. Reste désormais à ce que le Conseil européen valide cette décision. Mais on voit très mal comment il pourrait en être autrement.
Le Parlement européen lors d'une session plénière à Strasbourg, le 5 avril 2017 (Photo SEBASTIEN BOZON. AFP)
publié le 16 janvier 2018 à 18h57
(mis à jour le 16 janvier 2018 à 19h21)

Premier round gagné pour les opposants à la pêche électrique dans l'Union européenne. Avant, sauf énorme surprise, que la déclaration de leur victoire soit effective dans les prochaines semaines. Ce mardi, réunis au Parlement de Strasbourg, les eurodéputés ont pris position contre ce qui est considéré par ses opposants comme une pratique «destructrice pour les fonds marins», autorisée depuis 2007 à titre expérimental dans le sud de la mer du Nord à hauteur maximale de 5% de la flotte de chaque Etat membre. Quota que les pêcheurs néerlandais, quasi-uniques pratiquants de cette technique particulièrement invasive pour les poissons (et interdite sur le reste du globe), dépassent allègrement sans que leur gouvernement ni la Commission européenne n'y trouvent à redire.

Que s’est-il passé mardi à Strasbourg?

Les amendements ont été votés à une large majorité (402 pour, 232 contre et 40 abstentions) lors de la séance plénière du Parlement, ce mardi. Ils font sauter la dérogation qui avait été accordée fin 2006. Une satisfaction, notamment pour les élus français, de tous bords, qui avaient pris la tête de la protestation européenne. «C'est une victoire formidable pour les océans, pour les pêcheurs artisans et pour l'Europe, se félicite Claire Nouvian, fondatrice de Bloom, association française spécialisée dans la défense des océans et de la pêche durable. Notre équipe a travaillé nuit et jour depuis des semaines pour obtenir ce résultat. Nous sommes heureux et soulagés que le Parlement s'oppose fermement à une pratique destructrice qui n'a été autorisée en Europe qu'en raison d'une collusion immorale entre lobbies industriels et institutions.» En écho, l'eurodéputé français Yannick Jadot (Verts), qui fait partie des élus à la pointe de la contestation, se réjouit d'une «très belle victoire contre une pêche terriblement néfaste, une véritable arme de prédation massive». Satisfaction partagée par l'eurodéputé breton Alain Cadec (LR), président de la commission Pêche du Parlement: «Cette décision transpartisane me réjouit car elle incarne une Europe pragmatique et responsable.» Même bonheur pour l'eurodéputé français Younous Omarjee (Les Insoumis) qui pense aux artisans pêcheurs: «Ils nous demandent jusqu'où ira la prédation des flottes industrielles qui, par appât du gain, font des océans de véritables cimetières.»

Comment expliquer la décision de la Commission européenne, favorable à cette pratique?

Selon cette dernière, la pêche électrique limite les effets sur l'environnement. «Il est important de se rappeler ce que la pêche à impulsion électrique remplace, c'est-à-dire le chalutier à perche traditionnel, a argumenté le commissaire à la Pêche, le Maltais Karmenu Vella. Si elle est correctement contrôlée et appliquée, l'impulsion électrique peut offrir une méthode alternative de pêche plus inoffensive pour l'environnement en réduisant les prises accessoires, en réduisant les dégâts sur les fonds marins et en diminuant les émissions de CO2.»

Pour le Français Alain Cadec, la position de la Commission «est un mystère. J'ai été étonné par l'attitude de Karmenu Vella, d'autant que s'il est commissaire à la pêche, il est aussi commissaire à l'environnement. Je ne comprends pas son instance lors du débat. Pour tout dire, cela m'a surpris et un peu déçu.»

Et maintenant?

Le vote de ce mardi n'est qu'une étape du long parcours législatif du texte au sein de l'UE. Après le vote des eurodéputés, le Parlement va maintenant entrer en négociation avec le Conseil (les Etats membres) et la Commission pour trouver un compromis final et valider (ou pas) ce vote. «Le rapporteur du Parlement dispose désormais d'un mandat puisque cela a été voté à une large majorité, argumente Alain Cadec. Et je ne vois pas comment on pourrait revenir sur cette décision des eurodéputés. C'est la représentation des peuples qui doit l'emporter.» Dans les jours qui viennent, le calendrier sera connu. Mais la décision finale prise par le Parlement et le Conseil peut prendre quelques semaines. C'est désormais à la présidence bulgare en exercice de gérer cette opération.