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Libération
Espagne

Le parlement catalan se constitue, le bras de fer avec Madrid continue

Le camp indépendantiste a élu à la présidence du «Parlament», Roger Torrent : un séparatiste convaincu au profil combatif.
Roger Torrent, nouveau président du parlement de Catalogne, mercredi, à Barcelone. (Photo Pau Barrena. AFP)
publié le 17 janvier 2018 à 19h24

Le défi sécessionniste contre Madrid n'a rien perdu de sa détermination. C'est ce qui a transpiré tout au long d'une journée cruciale durant laquelle le nouveau parlement catalan s'est constitué. Grâce à leur victoire en sièges (70 sur 135) lors des législatives régionales du 21 décembre, le camp indépendantiste a élu à la présidence du parlement un séparatiste convaincu, dont le profil combatif augure que le bras de fer avec le pouvoir central n'est pas près de s'estomper. Le maire de la bourgade de Sarrià de Ter, dans la très souverainiste province de Gérone, Roger Torrent n'a pas tardé à annoncer la couleur : «Je vais respecter le droit d'expression de ceux qui sont ici et aussi celui de ceux qui ne peuvent pas être ici.»

«Ecraser, humilier, et châtier»

Une référence très claire au fait que huit dirigeants sécessionnistes se trouvent actuellement en prison pour «sédition» et «rébellion» (notamment l'ancien vice-président régional Oriol Junqueras), ou bien en exil volontaire en Belgique (tout particulièrement l'ancien chef de l'exécutif séparatiste Carles Puigdemont, qui s'est réfugié à Bruxelles pour éviter précisément les poursuites judiciaires contre lui). L'existence de «prisonniers politiques» est une «honte» pour l'Espagne, a précisé le nouveau président du Parlament, le parlement autonome de Catalogne. Ernest Maragall, un vétéran de la politique et lui aussi séparatiste fervent, a enfoncé le clou en s'attaquant sans ambages au chef du gouvernement central Mariano Rajoy : «L'Etat espagnol ne sait pas gagner ni convaincre, il sait juste écraser, humilier, et châtier l'adversaire.»

La constitution du parlement est le coup d'envoi de ce qui s'annonce être une bataille législative sans merci. Les séparatistes ont certes emporté les législatives de décembre, mais on ne sait toujours pas comment ils pourront gouverner de nouveau cette région rebelle. Mardi soir, les deux principaux mouvements de la coalition sécessionniste (Junts pel Si et Esquerra) se sont mis d'accord sur le fait que Carles Puigdemont doit être le futur chef de l'exécutif catalan – un authentique cauchemar pour Madrid, qui le considère comme un «putschiste» ayant téléguidé le référendum d'autodétermination du 1er octobre, réprimé par la police. Or, étant donné que Puigdemont risque la prison dès qu'il revient en Espagne, celui-ci entend être investi «à distance». Ce choix est réprouvé par le règlement parlementaire, et surtout par les autorités centrales à Madrid.

Solution

L’autre possibilité, plus réaliste, consisterait pour les séparatistes à s’entendre sur une personnalité de leur bord sans casserole judiciaire et que les juges espagnols n’aient pas dans leur ligne de mire. Le temps presse : la coalition indépendantiste a jusqu’à la fin du mois pour trouver une solution qui permette la constitution d’un nouvel exécutif. Tant que ce casse-tête politique n’est pas résolu, la mise sous tutelle de la Catalogne par Madrid sera effective : pour retrouver leur autonomie, les séparatistes ont donc tout intérêt à dépasser leurs divisions internes, renoncer au choix de leurs deux leaders (Carles Puigdemont, en Belgique, et Oriol Junqueras, en prison). Et, très probablement, cesser de militer pour un divorce unilatéral avec l’Espagne.