Dans un pays qui a donné d'immenses poètes, Nicanor Parra occupait une place singulière. Révélé en 1954 par ses iconoclastes Poèmes et Antipoèmes, il se déclarait en guerre contre les vers académiques, s'érigeait en ennemi de toutes les autorités établies, l'Eglise en particulier. Son exceptionnelle longévité fera de lui, à son corps défendant, ce qu'il n'avait pas voulu être : une institution nationale. Statut que paracheva le prix Cervantès en 2011. Depuis, il vivait loin du monde à Las Cruces, où il est mort mardi, à 103 ans. Après un premier recueil de poésies sous l'influence de Garcia Lorca, en 1937, il s'affranchit des formes mais ne bascule pas dans l'avant-garde.
Au fil des années, il avait digéré les apports de Marcel Duchamp et de la Beat Generation.Professeur de physique, il avait un poste à l’université de Santiago en 1973 quand survient le coup d’Etat de Pinochet. La gauche lui reprochera d’être resté dans le pays au moment ou de nombreux artistes prenaient le chemin de l’exil (d’autres furent emprisonnés ou tués).
Mais en 1977, son récital de poésie intitulé Feuilles de Parra (ce qui signifie aussi «feuilles de vigne») était rempli d'allusions à la situation politique. Exemple : «Le renard fait la loi dans le poulailler.» Après onze représentations, le chapiteau qui abritait le spectacle fut détruit par un incendie.
Deux jours de deuil national ont été décrétés.