Les mines sont graves, la déception manifeste. Le parti Demosisto voyait déjà sa candidate victorieuse lors des législatives partielles de mars. Mais les autorités hongkongaises lui ont coupé les ailes. Samedi, la candidature d'Agnès Chow a été invalidée, signant de fait l'arrêt de mort du jeune parti devenu l'icône d'une nouvelle vague de contestation démocratique. «Il est évident qu'il s'agit d'une décision politique», une preuve supplémentaire que «Hongkong n'est plus régi par un Etat de droit mais par Pékin», a commenté l'étudiante de 21 ans, placide, devant la presse, épaulée par une vingtaine de membres chevronnés de l'opposition. Les autorités ont sanctionné son affiliation au parti Demosisto qu'elle a cofondé au printemps 2016 avec le meneur du mouvement démocratique des Parapluies de 2014, Joshua Wong, et pénalisé le credo de cette jeune formation politique : l'autodétermination.
L'autodétermination ou la modification du système par référendum, qui inclut le choix de l'indépendance, est «contradictoire avec le statut légal et constitutionnel» de Hongkong, s'est justifié le gouvernement local. «Quiconque plaide ou fait la promotion de l'autodétermination ou de l'indépendance […] ne peut possiblement faire respecter ou se conformer à ses devoirs de législateur», ont expliqué les autorités de cette région administrative spéciale, partie «inaliénable» de la République populaire de Chine, comme elles l'ont martelé. «Demosisto ne plaide pas pour l'indépendance. Nous pensons que les Hongkongais ont le droit de déterminer eux-mêmes leur avenir», a rétorqué Agnès Chow qui, avec sa chemise blanche et sa frange bien coupée, n'a rien d'une rebelle.
Les autorités n’ont donc cette fois-ci même pas proposé de simulacre de processus démocratique et ont barré l’accès au Parlement aux jeunes fauteurs de trouble avant même le scrutin. Elles ont tiré les leçons des législatives de 2016. Elles avaient alors muselé les candidats indépendantistes avant le vote, mais pas les démocrates plus modérés qui avaient fait une percée. Nathan Law de Demosisto était devenu le plus jeune député de l’histoire de Hongkong depuis la rétrocession en 1997. Mais il avait vite été disqualifié, tout comme cinq autres députés de l’opposition, à la suite d’une rare interprétation des lois locales par Pékin.
«Balle dans le pied»
La mise à l'écart, samedi, d'Agnès Chow est «une sanction contre une génération entière», une volonté de «démolir le désir de la jeunesse de faire avancer le progrès social à Hong Kong», a dénoncé Demosisto. Déjà affaibli par des peines de prison à l'encontre de plusieurs de ses membres, le voici désormais «banni de l'arène politique».
«Demosisto a joué sur la sémantique, parlant d'autodétermination et non de suffrage universel comme le font les partis démocratiques "historiques", dans le but de se démarquer de ces derniers. Mais Demosisto s'est tiré une balle dans le pied», commentait samedi un membre du camp démocrate sous le couvert de l'anonymat. Et de rappeler que «le Parti communiste chinois ne supporte pas que son autorité soit contestée. L'évocation même d'un référendum marque une limite que Pékin ne veut voir personne franchir. Comment Demosisto aurait pu réaliser ce que le Dalaï-Lama n'a pas réussi à achever en 50 ans ?»