«Tout est fini. Les nôtres nous ont sacrifiés. Moi du moins.» Ce constat d'échec amer était tiré mardi par Carles Puigdemont, le président destitué de la Catalogne, après avoir appris que son investiture pour un nouveau mandat n'aurait pas lieu, comme il l'espérait, le jour même. Sa lucide analyse était adressée, via la messagerie Signal, à son ex-ministre Toni Comin, lui aussi installé en Belgique pour fuir les poursuites de la justice espagnole. Et c'est à l'insu des deux hommes que ces propos ont été rendus publics, mercredi matin, par la chaîne de télé espagnole Telecinco.
Polémiq du jour. Sms de Puigdemont à ex-ministre en exil selon Telecinco
— Elise Gazengel (@EliseGaz) January 31, 2018
“Ce st les derniers jours de la République. Le plan de la Moncloa triomphe (..) Je suppose q tu sais q c’est terminé. Les nôtres nous on sacrifié, au moins moi. Vs serez ministres vs ms je suis sacrifié.” pic.twitter.com/D0lJAaKAJ8
Le procédé peut être discuté, tant sur le terrain déontologique que sur le plan légal. Mardi, un reporter d'images espagnol assistait à un meeting nationaliste flamand à l'hôtel de ville de Louvain-la-Neuve en Belgique. Toni Comin y participait. Par-dessus l'épaule de l'ancien ministre régional de la Santé a été filmé l'écran de son smartphone avec les messages où l'ex-président se lamentait, en catalan, de la tournure des événements à Barcelone. Puigdemont et Comin ont confirmé l'authenticité de l'échange, tout en soulignant le caractère illégal de sa révélation. Le président déchu admet «la victoire de la Moncloa» (l'équivalent madrilène de Matignon, où réside Mariano Rajoy, le chef du gouvernement). Et, certain de ne plus pouvoir retrouver son siège, se projette dans l'après : «Je consacrerai ce qu'il reste de vie à remettre à plat ces deux [dernières] années et à défendre ma réputation.»
Tandis qu'il confiait en aparté son pessimisme, Puigdemont publiait dans un communiqué un appel à l'unité du camp séparatiste autour de sa personne, «le seul candidat possible». Après la révélation de ses textos, il assurait mercredi qu'il n'avait pas jeté l'éponge, admettant juste avoir «douté» comme «tout être humain». Il soulignait aussi qu'en tant que journaliste (sa précédente profession) il s'était «toujours fixé une limite à ne pas dépasser, le respect de la sphère privée».
Le défaitisme (même démenti) de l’ancien dirigeant est au diapason de l’absence quasi totale de mobilisation des plus de 2 millions de Catalans qui, le 21 décembre, ont voté pour des partisans de l’indépendance. Mardi, quelques dizaines de militants ont tenté de monter un campement de résistance devant le Parlement de Barcelone. En début de soirée, ils ont replié les tentes et sont repartis, vaincus par le froid.