La crise nord-coréenne n’aura pas arrêté les bétonneuses chinoises. L’année dernière, alors que les bruits de bottes et d’hélices se multipliaient autour de la péninsule coréenne, Pékin a poursuivi son grand chantier de construction de forteresses marines dans la mer de Chine méridionale.
Les photos publiées ce lundi par le site philippin The Inquirer sont éloquentes. Elles confirment que le régime chinois est en passe d’achever son colossal projet de colonisation militaire d'îlots et de récifs des archipels des Spratleys et des Paracels. En s’asseyant sur les arbitrages internationaux et en se reniant sur ses grandes déclarations pacifistes et civiles qui présentaient ces infrastructures comme des postes de secours et d’observation climatique il y a encore une poignée d’années.
Sur les clichés pris entre juin et décembre, à une hauteur de 1 500 mètres environ, on distingue clairement l’emprise des infrastructures sur des terres à peine émergentes des flots il y a encore quelques années : phares, radomes (coupoles protégeant les radars des intempéries), immeubles de plusieurs étages, vastes hangars, systèmes de surveillance et de radars civils et militaires, tour de contrôle, héliports…
C’est sans compter toutes les installations mises en place pour transporter d’énormes quantités de terre, cimenter et bâtir ces îles artificielles à partir de sept récifs (Fiery Cross, Cuarteron, Gaven, Johnson South, Mischief, Subi et Hughes). Les photos montrent d’ailleurs la présence de cargos servant à acheminer des matériaux et des outils de construction sur ces polders que la Chine a commencé à bâtir à toute vitesse à partir de 2013-2014.
Abris et missiles
En décembre, l’Asia Maritime Transparency Initiative (Amti) du Centre d'études stratégiques internationales de Washington révélait l’ampleur des travaux rien que pour 2017, une «année constructive» dans les Spratleys et les Paracels (les îles North, Tree et Triton), écrivait l’Amti. «La plus grande partie des constructions a eu lieu sur Fiery Cross, avec des travaux sur près de 11 hectares.» Photos à l’appui, le groupe d’experts qui suit l'évolution des grands travaux chinois depuis plusieurs années avance que des installations souterraines dans le sud de l'île pourraient héberger des munitions et que des abris en dur accueilleraient des missiles.
En 2016, Pékin avait déjà déployé des engins balistiques sur l'île Woody dans les Paracels, revendiquée par Taiwan et le Vietnam, que les Chinois occupent depuis 1956 et appellent Yongxing. Lors de précédents travaux sur Fiery Cross, des sites de stockage d’eau et de carburants avaient déjà été mis en évidence. L’année dernière, d’autres récifs, Subi et Mischief, ont également connu des chantiers. Ces trois nouvelles îles sont dorénavant dotées de pistes d’atterrissage pouvant accueillir des avions civils ou militaires.
Car la militarisation de ces nouveaux «territoires» conquis et bâtis par la Chine ne fait plus débat. Sur les clichés publiés par The Inquirer, et précédemment par l’Amti, la présence de vaisseaux de la marine chinoise est maintes fois repérée. A ceux-ci s’ajoutent des flottilles de bateaux civils, de gardes-côtes et de pêcheurs chinois qui ratissent les flots pour chasser pêcheurs et observateurs qui s’approchent trop près des îles accaparées par le régime chinois.
Pions et verrous
Pékin entend s’assurer du contrôle de cette mer, qu’elle considère comme son pré carré. Les eaux du Pacifique sont riches en ressources halieutiques et géologiques, et toute la région est un carrefour stratégique et commercial où la Chine veut régner face aux porte-avions et aux bases américaines dans le Pacifique.
L’arrivée de Xi Jinping à la présidence chinoise a accéléré le déploiement de son armée bien au-delà de ses frontières terrestres. Le nouveau timonier a lancé une vaste modernisation de ses troupes pour les déployer dans les airs et sur les mers d’une Asie en pleine surenchère sécuritaire. Et les petits îlots que Pékin a bétonnés et militarisés à tout-va sont autant de petits verrous et d’avant-postes pour affirmer la toute-puissance de Pékin. Et si depuis cinq ans, les décisions de justice et les déclarations n’ont pas manqué pour rappeler la Chine de Xi Jinping à un semblant d’ordre international, Pékin a continué d’avancer ses pions.