Rybka. Petit poisson. C’est aussi le nom de scène et de plume de la Biélorusse Anastasia Vakouchevitch, 27 ans, qui a provoqué une petite tempête dans le bocal russe. L’heure de gloire de Nastia Rybka, call-girl de son métier, a sonné quand l’infatigable traqueur d’hommes d’affaires et de politiques corrompus, candidat à la présidentielle débouté Alexei Navalny, a décidé d’enquêter sur un groupe de filles très légèrement vêtues qui prennent d’assaut ses QG de campagne pour en perturber le travail. En fouillant les comptes Instagram de ces provocatrices, une photo a attiré son attention : Nastia Rybka, menue mais plantureuse, sur un yacht, bras dessus bras dessous avec l’oligarque de l’aluminium et du gaz Oleg Deripaska – l’homme le plus riche de Russie en 2008 et propriétaire du groupe Rusal, remarqué plus récemment pour ses liens avec Paul Manafort, l’ex-directeur de campagne de Donald Trump. «J’aurais envie d’écrire que nous avons tout de suite soupçonné quelque chose, avec notre flair, etc. Mais en réalité, nous avons simplement buggé sur l’Instagram de Nastia, il est très amusant, plein de détails trash sur sa vie et son travail», admet Navalny.
Au détour d'une vidéo brouillonne, tournée sur le même yacht par Nastia, Navalny reconnaît le vice-premier ministre Sergei Prikhodko. Homme de l'ombre, il a été conseiller des présidents Eltsine, Poutine, Medvedev. «Prikhodko est considéré comme un spécialiste des relations internationales, il serait le dignitaire le plus influent dans cette sphère», explique Navalny. Et d'en conclure que Deripaska graisse la patte de Prikhodko, son protecteur politique, en lui offrant du bon temps sur son yacht. Comme tout haut fonctionnaire russe qui se respecte, le vice-premier ministre est propriétaire d'immobilier de luxe, inscrit au nom de sa femme et non déclaré, avance aussi l'enquête de l'opposant.
Gourou du sexe
En plus de son compte Instagram suivi aujourd'hui par plus de 95 500 personnes, Nastia Rybka a surtout raconté ses exploits dans un ouvrage intitulé Comment séduire un milliardaire, dans lequel elle applique les méthodes d'un gourou du sexe autoproclamé, Alexandre Kirillov, alias Alex Leslie. Elle y a changé les noms, mais pas les lieux.
En quelques jours, le sujet publié sur le site de Navalny a été visionné plus de 2 millions de fois. Un vrai petit «rybkagate». Le milliardaire, furieux, a demandé aux autorités russes de bloquer le site, qui n’est plus accessible sans VPN depuis la Russie. Les médias qui avaient eu le temps de traiter le sujet ont été sommés de retirer articles et liens. Et Deripaska a promis de traîner en justice tous ceux qui portent atteinte à sa réputation. Nasty Rybka, elle, remercie Navalny de l’avoir rendue célèbre et multiplie les interviews. Dans ce tourbillon médiatique, elle se sent comme un poisson dans l’eau.