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Libération

Emma Gonzalez, la lycéenne qui défie le lobby américain des armes

publié le 18 février 2018 à 20h36

En un puissant discours de dix minutes entrecoupé de larmes, elle est devenue, samedi, l'héroïne des partisans du contrôle des armes à feu aux Etats-Unis. Emma Gonzalez est l'une des rescapées de la tuerie du lycée Marjory-Stoneman-Douglas, à Parkland (Floride). Trois jours après la fusillade qui a fait 17 morts dont une majorité d'adolescents, la jeune fille, qui était cachée dans un amphithéâtre lors du massacre, a pris la parole dans la ville voisine de Fort Lauderdale au cours d'une manifestation d'hommage.

Elle a répondu à Donald Trump, qui avait insisté sur les problèmes mentaux du tueur, Nikolas Cruz : «Si le Président me dit en face que c'était une terrible tragédie et qu'on ne peut rien y faire, je lui demanderai combien il a touché de la National Rifle Association [NRA, le puissant lobby américain des armes à feu, ndlr]. Je le sais : 30 millions de dollars [24 millions d'euros] ! Et divisé par le nombre de victimes par balles aux Etats-Unis en 2018, cela fait 5 800 dollars. C'est ce que valent ces gens pour vous, Trump ?» Cheveux rasés, bracelets tressés autour du poignet, Emma Gonzalez, élève de terminale, a l'âge de Columbine, la première tuerie de masse de l'histoire récente des Etats-Unis à s'être produite dans un lycée, en 1999 au Colorado.

Au-delà de sa voix brisée par l'émotion, c'est l'expression de sa détermination à faire évoluer la législation qui a électrisé les téléspectateurs - le discours était retransmis en direct sur les chaînes d'information : «Nous allons être les enfants dont on parle dans les manuels scolaires. Pas parce que nous serons une nouvelle statistique sur les fusillades en Amérique, mais parce que nous allons changer la loi. Comme il y a "Tinker v. Des-Moines" [célèbre décision de la Cour suprême sur les droits constitutionnels des élèves dans les écoles, datant de 1969 et qui fait toujours référence, ndlr], il y aura "Marjory-Stoneman-Douglas" grâce aux efforts inlassables du conseil d'administration du lycée, des enseignants, des familles et, surtout, des élèves.» C'est la première fois qu'une étudiante incarne ainsi la lutte anti-armes aux Etats-Unis, pointaient des médias américains.

«A tous les hommes politiques ayant reçu des dons de la NRA, honte à vous, a-t-elle lancé en levant les yeux des feuilles de son discours écrit à la main, la foule reprenant en chœur ses derniers mots. Ils disent que des lois de contrôle plus dures ne feront pas baisser la violence armée. Nous répondons : connerie [«BS», pour «bullshit», en VO] ! Ils disent qu'un gentil avec une arme arrête un méchant avec une arme. Nous répondons : connerie ! Ils disent que les armes sont juste des outils comme les couteaux et sont aussi dangereux que les voitures. Nous répondons : connerie ! Ils disent qu'aucune loi n'aurait pu empêcher ces centaines de tragédies insensées. Nous répondons : connerie ! Ils disent que nous, les élèves, nous ne savons pas de quoi nous parlons, que nous sommes trop jeunes pour comprendre comme le gouvernement fonctionne. Nous répondons : connerie !»

Dimanche, des lycéens rescapés ont appelé à une «Marche pour nos vies» à Washington, le 24 mars, pour exiger un contrôle accru sur les ventes d’armes.