Son avenir était incertain. Le pape a finalement tranché et reconduit la Commission pontificale pour la protection des mineurs, chargée de lutter contre la pédophilie dans l'Eglise, dans une nouvelle version : plus de la moitié de ses membres ont été changés. «Il est important que la nouvelle commission mette en œuvre concrètement les propositions que nous avons déjà suggérées au pape», déclare à Libération Catherine Bonnet, pédopsychiatre et seule Française à siéger dans la précédente commission, présidée par le cardinal américain Sena O'Malley. Il s'agirait notamment d'établir une obligation de signalement aux autorités civiles en cas de suspicion d'abus sexuels. Le droit canon (le droit interne de l'Eglise) est ambigu sur cette question.
Pour le moment, François n'a pas donné de directives claires, en particulier pour sanctionner les responsables religieux qui ont couvert des cas d'abus sexuels. La commission O'Malley avait proposé la mise en place d'un tribunal au Vatican ; le pape, lui, a préféré une commission disciplinaire. Annoncée en juin 2016, elle n'est toujours pas effective. «Nous n'avons pas connaissance de cas d'évêques ayant été sanctionnés», relève un expert.
Dans le communiqué officiel diffusé samedi par le Vatican, l'accent est mis sur les rencontres qui auront lieu dès le mois d'avril entre la nouvelle commission et d'anciennes victimes. Un changement de cap notable. Au sein de la précédente commission, Catherine Bonnet avait regretté le peu de place qui avait été donné à la parole des victimes. C'est l'une des raisons principales qui l'avait conduite à présenter sa démission à François, en juin 2017. «A ce moment-là, le pape ne l'avait pas acceptée», explique-t-elle. Elle avait donc siégé lors de la dernière session plénière, en septembre. Assez critique sur la faible avancée des travaux, Catherine Bonnet n'a pas été reconduite à son poste.
Pendant ce temps, le Vatican tente d’éteindre les incendies. Depuis un an et demi, les relations sont très tendues avec les associations de victimes. Ces dernières mettent en cause de façon de plus en plus virulente la gestion du dossier par le pape François. Son récent voyage au Chili a révélé au grand jour le soutien inconditionnel qu’il apporte depuis 2015, à l’évêque Juan Barros malgré les conseils de l’épiscopat chilien. Les victimes d’un prêtre pédophile, Fernando Karadima, affirment que Barros était au courant de ses agissements et qu’il les a couverts. Ce qu’a longtemps dénié le pape, jusqu’à ce qu’une lettre que lui avait adressée par une ancienne victime soit rendue publique. Le scandale prenant de l’ampleur, une enquête a été diligentée par un émissaire du Vatican, actuellement au Chili.
La pédophilie devient l’un des dossiers les plus polémiques du pontificat de François. Regroupées au sein du mouvement international Ending Clerical Abuse, les associations vont se retrouver, début juin à Genève, pour une rencontre internationale.