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Libération
Interview

Dans le ski autrichien aussi, la parole des femmes se libère

publié le 23 février 2018 à 20h26

Fin novembre, la skieuse autrichienne Nicola Spiess, quatrième de la descente des JO d’Innsbruck en 1976, révélait dans la presse qu’un membre de son équipe l’avait violée quand elle avait 16 ans. Son exemple a été suivi par plusieurs autres skieuses, qui ont témoigné depuis d’abus sexuels subis dans le circuit professionnel.

Vous témoignez d’un climat de violences sexuelles contre les skieuses autrichiennes dans les années 70. Cela perdure-t-il ?

A l’époque, ces pratiques étaient monnaie courante à cause de certains responsables. Aujourd’hui, la fédération autrichienne de ski (ÖSV) a évolué. Pourtant le sexisme perdure. Il y a quelques semaines, le chef de la fédération expliquait encore que les femmes ne pouvaient que difficilement occuper des postes à responsabilité dans son organisation puisque cela impliquait beaucoup de voyages, ce qui n’est pas adapté pour les mères… Les idées sont en partie restées les mêmes, ainsi que le réflexe de passer les problèmes sous silence. La fédération règle les affaires en interne, à sa manière patriarcale.

Comment expliquer que de tels abus puissent rester si longtemps impunis ?

Avec Peter Schröcksnadel, nous avons depuis vingt-sept ans un homme très puissant à la tête de l’ÖSV, un chef d’entreprise qui dispose d’un réseau établi depuis les années 80. Il considère probablement comme une grande qualité humaine de protéger les siens du scandale. Le ski autrichien a des alliés dans la politique, l’économie et les médias. C’est un système très influent qui peut empêcher les victimes de faire carrière si elles ne jouent pas le jeu, alors que les éventuels témoins ou journalistes sont, eux, rendus dociles par des cadeaux ou des faveurs. Les abus de pouvoir sont facilités parce que tout fonctionne en système clos, avec des athlètes qui baignent dans ce milieu dès l’enfance. Les sportifs sont perpétuellement à la recherche d’une validation personnelle, cela entretient leur dépendance à la figure du leader.

Est-ce une particularité autrichienne ?

En Autriche, le ski est devenu une partie de l’identité nationale après-guerre, alors que le pays n’avait pas bien fait son travail de dénazification. L’ÖSV s’était fermée aux «non-Aryens» dès 1920, mais c’est devenu tabou après 1945. De la même manière, les violences sexuelles sont passées sous silence, alors que dans d’autres pays, on en parle davantage. Mais il y a aussi beaucoup d’abus de pouvoir dans les structures internationales où les responsables disposent d’un pouvoir total alors que la parole des sportifs est réprimée. Ce sont des situations qui relèvent du fascisme ! Il faut faire quelque chose pour que cela change.