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Libération
EDITORIAL

Déshonneur

Une femme évanouie est extraite d’un abri, dans la Ghouta, le 22 février. (Photo Bassam Khabieh. Reuters)
publié le 23 février 2018 à 21h26

Il fallait «parler avec Assad». Il fallait «d'abord battre l'Etat islamique» et dans cette lutte, Assad était un allié et un moindre mal. Ceux qui ont préconisé cette realpolitik - une partie de la droite française, d'autres adeptes du «réalisme», sans parler de l'extrême droite unanime - devraient maintenant s'expliquer. Comme il le fait depuis le début du conflit, Assad ne recule devant rien pour retrouver l'emprise traditionnelle de son clan sur la Syrie. Notre témoignage le démontre, tout comme le diagnostic de l'ONU partagé par Jean-Yves Le Drian : le dictateur a transformé un quartier de sa capitale en «enfer sur terre». La lutte contre Daech ? Elle fut l'œuvre des Kurdes, des Irakiens et de la coalition emmenée par les puissances occidentales approuvées par nombre de pays arabes. Lesquels Kurdes sont maintenant remerciés par un abandon sans cérémonie de la part des puissances qu'ils ont épaulées, souvent en première ligne.

Assad a fait très peu contre Daech et beaucoup contre son peuple. Certes, il est soutenu par les minorités syriennes qui craignent plus que tout les islamistes. Certes, il arrive qu’une dictature vaille mieux qu’une situation d’anarchie guerrière encore plus dommageable aux populations civiles. Mais le relâchement de la pression sur le régime laisse libre cours à ses penchants les plus cruels. Pour avoir reculé devant des sanctions quand la ligne rouge des bombardements chimiques a été franchie par le régime de Damas en 2013, les démocraties doivent maintenant contempler, impuissantes, le martyre des populations qui ont soutenu l’opposition syrienne. L’Iran et la Russie ont repris la main dans la région. Où est la victoire géopolitique dont on se gargarisait au départ ? Au fond, les «réalistes» se trompent aussi souvent, sinon plus, que les supposés «droit-de-l’hommistes». On a accepté le déshonneur de l’abstention pour éviter un conflit encore plus sanglant. On a maintenant les deux.