La discipline s’est féminisée. L’Afrique et les Caraïbes en ont poussé la porte. Les Russes s’y font régulièrement épingler par l’antidopage (1). Aux Jeux de Pyeongchang, les SudCoréens ont posé un toit au-dessus de la piste. Mais pour le reste, le bobsleigh a-t-il changé ? Les records y tombent-ils comme ceux du patinage de vitesse ou de la danse sur glace ? Bruno Mingeon, ancien pilote français, médaillé de bronze à Nagano en 1998 et champion du monde l’année suivante, aujourd’hui entraîneur des équipes de France et de Monaco, répond à Libé.
Les bobs vont-ils beaucoup plus vite qu’il y a vingt ou trente ans ?
Non. Sur les pistes de la Coupe du monde, les chronos actuels sont très proches de ceux d’il y a dix ans. A La Plagne, le record de la piste en bob à deux remonte à 1998. Au sommet de la pyramide, pour les médailles, les temps sont les mêmes. En revanche, la discipline est bien plus dense. Il faut aller plus vite pour se glisser dans le Top 10.
Plusieurs grands noms de l’automobile, comme Ferrari ou BMW, ont pourtant récemment apporté leur savoir-faire à la discipline.
Ils ont fait évoluer le design des machines. A mon époque, dans les années 90, j’entendais souvent dire que les bobs étaient les Formule 1 des sports d’hiver. L’image était très exagérée. Mais aujourd’hui, on s’en rapproche. L’arrivée de Ferrari ou BMW a rendu les engins plus profilés et plus aérodynamiques. Ils sont plus jolis et mieux dessinés. Le gain en temps existe, mais il est très limité. Je dirais seulement quelques dixièmes.
Pourquoi ?
Les règlements réduisent les possibilités d’évolution. Un bob à quatre doit peser au minimum 210 kg à vide, mais sans dépasser 630 kg avec son pilote et ses trois pousseurs. Les châssis sont très lourds. Il est difficile de les faire évoluer. Loïc Costerg, le pilote français à Pyeongchang, utilise un châssis vieux de vingt ans. Quant aux patins, ils sont fournis à tous les équipages par la Fédération internationale.
En natation, la qualité des nouvelles piscines est souvent mise en avant pour expliquer la chute des records. Les pistes de bobsleigh ont-elles évolué ?
Assez peu. A Saint-Moritz, la piste mythique du bobsleigh, la vitesse de pointe atteint 147 km/h. C’était la même dans les années 90. La piste la plus rapide au monde se trouve à Whistler, au Canada. Elle a été conçue pour aller vraiment vite, pour battre des records. En bob à quatre, il est fréquent de descendre à 155 km/h. Mais elle est très dangereuse. Dans le milieu, on la surnomme la piste 50/50, car on a une chance sur deux de se retrouver sur le toit.
Combien coûte un bob ?
De plus en plus cher. Le prix est, de loin, ce qui a le plus changé dans la discipline ces deux dernières décennies. A mon époque, un très bon bob coûtait environ 20 000 euros. Tout a basculé en 2003 avec l’arrivée des Russes. On est passé de 20 000 à 50 000 euros en une saison. Depuis, l’inflation n’a plus cessé. Aujourd’hui, certains pays sont prêts à payer 120 000 euros pour avoir le dernier cri. On nage en plein délire. Un dixième de seconde en moins se paye 50 000 euros.
A qui profite une telle flambée des prix ?
Aux constructeurs. Le marché reste très étroit, les machines sont produites à l’unité. Les Allemands ont toujours été à la pointe. Ils fabriquent leurs bobs à Berlin, au sein d’une structure publique également dédiée au cyclisme et à l’aviron. Aux Jeux comme ailleurs, les bobeurs allemands disposent d’un matériel en avance sur la concurrence. Mais ils ne le vendent pas aux autres nations. Pour le reste, les fabricants autrichiens sont à la mode en bob à quatre. En bob à deux, le marché est dominé par une marque lettone.
L’évolution ne peut-elle pas venir des athlètes ?
La préparation physique a un peu évolué, mais la performance, en bobsleigh, est une affaire de compromis. Il faut jongler entre vitesse et puissance. Un pousseur trop lourd fera aller le bob plus vite une fois lancé, mais il lui donnera moins de vitesse à la poussée. A l’inverse, un sprinteur contribuera à une poussée record, mais son manque de poids peut s’avérer rédhibitoire dans la descente. Pour un pousseur, le poids idéal se situe à 100 kg.
Recruter les meilleurs sprinteurs ferait-il tomber les records ?
Peut-être. En France, nous avons régulièrement recruté des sprinteurs de bon niveau, mais il est quasiment impossible de convaincre les tout meilleurs. L’obstacle est financier. Même en leur vantant l’esprit du bob, les valeurs du collectif ou la magie des JO, il s’avère très compliqué de faire venir des gars dans un sport sans argent, où les chances de podium sont minces, sans réelles possibilités de reconversion.
(1) On a appris vendredi qu’une bobeuse russe avait été contrôlée positive aux JO.