«J’ai voté contre la grande coalition. J’ai envoyé ma réponse la semaine dernière, sans hésitation. De toute façon, ma décision était déjà prise depuis longtemps. La section SPD à laquelle j’appartiens, celle de Pankow à Berlin, a également et collectivement affirmé son opposition à cette "GroKo" - ensuite, chacun est libre de voter ce qu’il veut.
«Pour ma part, la lecture du contrat de coalition esquissé avec la CDU en janvier n’a fait que renforcer mon opinion. Il y a bien quelques idées intéressantes dans le texte, mais cela reste un saupoudrage de mesures sociales-démocrates, en aucun cas une vision politique. Il nous faut plus de gauche au SPD. Si je suis entrée dans ce parti en 2012, c’est justement parce que la justice sociale, la défense des ouvriers ou des travailleurs pauvres, cela voulait vraiment dire quelque chose pour moi. C’est vrai qu’à l’époque, j’aurais pu me tourner vers la gauche radicale de Die Linke, moins ambiguë que le SPD sur ces questions. Mais je trouve que trop de gens y sont encore proches du SED, le parti communiste de RDA, et je sens chez eux une nostalgie de cette époque qui me trouble. Moi, je viens de Leipzig, à l’Est, et ni ma famille ni moi n’avons d’excellents souvenirs de cette période…
«De toute façon, nous avons déjà une tradition de gauche au SPD, qu’il faut écouter davantage. Il faut lutter encore plus contre la pauvreté. Or le texte de coalition est très timide sur le sujet. Les réformes du marché du travail menées sous l’ère Schröder, dans les années 2000, ont eu de graves conséquences sociales, contre lesquelles nous devons impérativement lutter. Mais c’est un sujet sensible au SPD. Le parti est tiraillé entre ceux qui défendent ces mesures et ceux qui les contestent. C’est en vérité le plus gros sujet de discorde chez nous… Nous devons aussi combattre la hausse de l’immobilier, avec une politique d’encadrement des loyers, et renforcer l’égalité entre les femmes et les hommes, notamment en luttant contre les inégalités salariales. Enfin, si beaucoup de points me posent problème dans l’accord de coalition, le passage sur la politique migratoire est une ligne rouge qu’il ne fallait pas franchir. C’est terrible de limiter à 1 000 personnes par mois le nombre de réfugiés dans le cadre du regroupement familial.
«Dimanche, je pense que les membres du parti vont voter pour, mais ce sera vraiment serré. Je m'attends à 50 %, peut-être 60 % pour le oui - sachant que lors du dernier vote, en 2013, 70 % des membres du SPD avaient voté pour la grande coalition. Et puis, les choses vont reprendre leur cours. Back to business… Je comprends pourquoi les gens ne veulent plus croire au SPD. Nous avons dit non et ensuite oui à une GroKo, nous avons dit tout et son contraire…
«Ce que je prévois dans les mois à venir, c’est que l’extrême droite va conserver son rôle d’opposant principal au Parlement : l’AfD mène déjà tous les débats, ça ne changera pas si nous ne sommes pas dans l’opposition. Et nous, nous perdrons encore des électeurs. J’ai peur de ce qui est arrivé au Parti socialiste en France, avec ses 6 % à la dernière présidentielle…»