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Environnement

Détruire la forêt ou la protéger, le Brésil a (mal) choisi

La justice brésilienne a récemment validé plusieurs dispositions du code forestier très contestées par les écologistes.
Zone de déforestation dans l'ouest du Brésil, le 22 septembre. (Photo Carl de Souza. AFP)
par Amélie Beaucour
publié le 7 mars 2018 à 17h10

La forêt amazonienne n'a pas fini de rétrécir. Moins d'arbres et moins d'amendes pour ceux qui les ont coupés, voilà ce qu'a décrété la Cour suprême brésilienne le 28 février en approuvant une réforme du «Codigo Florestal», ce texte adopté en 1965 pour protéger la forêt tropicale. Il prévoyait le reboisement de plusieurs millions d'hectares défrichés et l'interdiction d'exploiter certaines zones où la biodiversité est particulièrement sensible. Mais une réforme votée en 2012 sous l'impulsion de la très puissante «bancada ruralista», groupe d'intérêts représentant les propriétaires terriens, annulait une grande partie de ces dispositions, en accordant entre autres une amnistie aux particuliers et entreprises reconnus coupable de déforestation illégale par le passé.

En confirmant la constitutionnalité des principales mesures du texte de 2012, la haute juridiction dépénalise donc une partie de l'exploitation des terres protégées, car elles permettraient, selon la procureure brésilienne Grace Mendonça, de créer «un équilibre entre protection de l'environnement et développement économique», deux enjeux souvent perçus comme contradictoires dans la région.

Pâturages

Cette rupture entre préoccupations environnementales et développement économique est, selon Xavier Arnauld de Sartre, géographe et directeur de recherches au CNRS, une histoire d'argent avant toute chose : «La protection de la nature c'est l'argent que l'on ne gagne pas, c'est l'argent que l'on dépense. Alors qu'au contraire, qui dit exploitation et transformation de zones boisées en surfaces agricoles, dit gains d'argent.»

Un constat d'autant plus vrai au Brésil, pays très dépendant du secteur primaire, qui tire 6% de son PIB et est le 4e exportateur agricole mondial. Une réalité économique qui n'est pas sans conséquence pour l'environnement. Selon le rapport annuel de la FAO sur l'état des forêts dans le monde, l'agriculture est responsable à plus de 80% de la déforestation en Amazonie brésilienne, avec en tête la conversion des parcelles boisées en pâturages. Par comparaison, le développement des infrastructures, souvent mis en avant comme l'une des causes majeures du défrichage, ne compterait «que» pour 2% de la déforestation totale.

Un constat que Cécile Leuba, chargée des campagnes «Forêt» pour Greenpeace France, estime «particulièrement inquiétant» : «Il est désespérant de voir uniquement la protection de l'environnement comme un coût. La déforestation dans le monde, c'est 12% des émissions de gaz à effet de serre, ce n'est pas rien», rappelle-t-elle.

Défrichage

Aujourd'hui encore, la forêt amazonienne perd chaque année l'équivalent de la superficie du Pas-de-Calais, selon les données des autorités brésiliennes. Certes, le chiffre est quatre fois moins élevé qu'en 2004 – année noire pour le poumon vert brésilien qui avait vu 34 000 km² déboisés selon la FAO, soit peu ou prou la taille de la Belgique – mais cette diminution constatée de la déforestation est considérablement ralentie depuis la nouvelle législation de 2012.

À l'échelle européenne, plusieurs pays souhaitent intervenir pour mettre fin au défrichage massif des forêts primaires. «La déforestation n'est peut-être pas ressentie sur notre territoire, mais une part non négligeable des produits que nous importons y contribuent à l'autre bout du monde», explique Greenpeace France. La Commission européenne devrait d'ailleurs, selon elle, dévoiler dans le courant de la semaine prochaine un rapport pour la mise en œuvre d'un potentiel plan d'action à ce sujet.