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Italie

Roucoulades autour d'une gauche italienne KO

Après sa défaite aux élections, le Parti démocrate est courtisé par le Mouvement Cinq Etoiles ainsi que par la Ligue de Matteo Salvini pour former une majorité de gouvernement.
Au siège du Parti démocrate, à Rome, lundi. (Photo Alberto Pizzoli. AFP)
par Eric Jozsef, correspondant à Rome
publié le 7 mars 2018 à 18h40

Défaite, assommée, divisée, mais courtisée. La gauche italienne ne représente plus qu'un Italien sur quatre. Mais dans une situation de blocage parlementaire, ses 118 députés et 59 sénateurs pourraient se révéler essentiels pour dégager une majorité. Les nouveaux élus ne sont pas encore arrivés à Rome mais les vainqueurs du scrutin, à savoir la Ligue de Matteo Salvini qui avec 17% domine la coalition de droite et d'extrême droite et le Mouvement Cinq Etoiles (M5S, 32%) leur lancent déjà des signaux. Dès lundi, Luigi Di Maio, le leader des Cinq Etoiles s'est dit prêt à «discuter avec toutes les forces politiques» sur la base des propositions de son mouvement, notamment de l'introduction d'un revenu de citoyenneté. Plusieurs responsables du Parti démocrate (PD) n'ont pas exclu des négociations et une partie des militants poussent pour une entente avec les héritiers de Beppe Grillo pour barrer la route à Matteo Salvini.

«Nous devons accorder un soutien sans participation à un gouvernement Cinq Etoiles, qui, avec cette victoire, a le droit de gouverner», a estimé Michele Emiliano, président de la région méridionale des Pouilles. «Le Mouvement Cinq Etoiles n'est pas dangereux», a enchéri Ugo Sposetti, ancien trésorier des démocrates de gauche. Le fondateur du quotidien progressiste La Repubblica, Eugenio Scalfari, est allé plus loin en déclarant en substance : «Entre Di Maio et Salvini, je choisis le premier. En faisant une alliance avec le PD, il n'y aurait plus que deux partis. Di Maio serait à la tête d'un grand parti de la gauche moderne.» Une hypothèse toutefois catégoriquement rejetée par Matteo Renzi : «En campagne électorale, nous avons dit non à un gouvernement avec les extrêmes et nous n'avons pas changé d'idée. […] L'antieuropéisme, l'antipolitique et la haine verbale nous séparent de Salvini et de Di Maio. Si nous sommes des mafieux, des corrompus et des non-présentables, alors qu'ils fassent le gouvernement sans nous, notre place est dans l'opposition.» Pour certains élus du PD du Mezzogiorno où le M5S a triomphé, cette position intransigeante est périlleuse, car elle pourrait conduire à une impasse institutionnelle et provoquer de nouvelles élections où les démocrates ont tout à perdre.

A l'inverse, les parlementaires PD du nord craignent qu'une entente avec Di Maio ne signe leur disparition de la carte électorale dans les zones dominées par la Ligue, c'est-à-dire au-dessus de la Toscane. C'est à ces représentants de l'Italie productive que Matteo Salvini cherche plus ou moins ouvertement à s'adresser. Mardi, celui-ci a une nouvelle fois exclu une alliance avec le M5S : «Jamais de la vie. […] Di Maio et moi avons deux idées de l'Italie différentes : lui, c'est "l'assistentialisme" du revenu de citoyenneté. Moi, c'est la relance et le développement de la flat tax.» Et de rappeler que nombre d'ouvriers votent désormais pour son parti, que l'immigration inquiète les classes populaires, et que la question du travail est au cœur de son programme politique. Sommé de choisir, dans la division, entre un rapprochement avec le M5S, une entente avec la coalition Salvini-Berlusconi ou l'Aventin, l'après scrutin risque d'être pour le PD encore plus amer que le bouillon des élections.