Ni les menaces de représailles ni les mises en garde des économistes ou de ses alliés républicains ne semblent pouvoir faire plier Donald Trump. Une semaine après avoir annoncé son intention de taxer lourdement les importations d’acier (25%) et d’aluminium (10%) aux Etats-Unis, ouvrant la voie à une guerre commerciale, le président américain persiste. Mercredi soir, son principal conseiller aux affaires commerciales, Peter Navarro, a annoncé que Donald Trump adopterait officiellement cette décision jeudi après-midi, lors d'une cérémonie à la Maison Blanche. Il a précisé que les nouvelles barrières douanières entreraient en vigueur dans un délai de 15 à 30 jours.
Jusqu'au bout, ceux qui, aux Etats-Unis et ailleurs, s'inquiètent des possibles répercussions mondiales de ces taxes, ont espéré une volte-face. Mercredi, plus d'une centaine d'élus républicains ont adressé une lettre au président, l'exhortant à «reconsidérer l'idée de taxes généralisées afin d'éviter les conséquences négatives sur l'économie américaine et ses travailleurs». Depuis son investiture, Donald Trump a prouvé à plusieurs reprises qu'il pouvait changer d'avis, parfois du tout au tout. Mais c'était toutefois oublier un élément capital : le protectionnisme fait partie, depuis toujours, de l'ADN politique du milliardaire.
Atours. En 1999, alors candidat à l'investiture du Parti de la réforme pour la présidentielle américaine, le magnat de l'immobilier possédait les atours du parfait démocrate new-yorkais : favorable à une taxe sur les riches, à un système de santé universel, à une interdiction des armes d'assaut et à l'avortement. Mais à l'époque, déjà, il était protectionniste, une idéologie sur laquelle il a fondé sa campagne populiste de 2016. Avec le succès que l'on sait. «J'ai été élu, au moins en partie, sur le sujet» du libre-échange, a-t-il déclaré mardi, en référence à sa victoire inattendue dans les Etats industriels de la «Rust Belt» (Wisconsin, Michigan, Pennsylvanie) qui l'ont propulsé à la Maison Blanche. «Je le dis depuis vingt-cinq ans : presque tout le monde abuse de notre pays. Et on ne peut pas laisser cela continuer. Ni pour nos entreprises ni, plus important encore, pour nos travailleurs», a martelé Trump.
Frange. Entre les défenseurs du dogme libéral et les partisans d'un nationalisme économique, la guerre fait rage depuis le début au sein de l'administration Trump. Signe que la frange protectionniste semble l'avoir emporté : le principal conseiller économique du Président, Gary Cohn, fervent défenseur du libre-échange, a annoncé mardi soir sa démission. Ancien numéro 2 de la banque Goldman Sachs, historiquement proche des démocrates, il était l'homme de Wall Street à la Maison Blanche. Architecte de la réforme fiscale adoptée par le Congrès républicain en décembre, il n'a pas réussi à convaincre Trump sur le dossier de l'acier et de l'aluminium. Sa démission a aussitôt suscité l'inquiétude des investisseurs. «De tous les départs au sein de l'administration Trump, c'est le plus significatif pour les marchés, a dit le stratège en chef de la société de courtage JonesTrading, Michael O'Rourke. Cohn était le responsable en qui les marchés financiers avaient le plus confiance. Cela ouvre la voie à une nouvelle vague d'incertitude. La probabilité d'une guerre commerciale vient d'augmenter de façon dramatique.»
Face à l'inquiétude des investisseurs, de nombreux élus et partenaires des Etats-Unis, l'administration Trump semble prête à lâcher un peu de lest. Dans une interview à Fox Business Network, le conseiller au commerce du président, Peter Navarro, a assuré que «ces taxes ne seraient pas imposées immédiatement au Canada et au Mexique», liés aux Etats-Unis par l'Accord de libre-échange nord-américain (Alena). D'intenses et difficiles négociations ont été entamées l'an dernier, à la demande de Washington, pour renégocier cet accord commercial. Mercredi soir, le Washington Post a affirmé, citant des sources officielles, que le Canada et le Mexique seraient exemptés de ces barrières douanières pendant 30 jours. Selon le quotidien, cette exemption pourrait être prolongée en cas de progrès dans le processus de renégociation de l'Alena. Entretenant une certaine confusion, le secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin, a quant à lui indiqué que des «dérogations» étaient à l'étude et que l'administration «négociait des deals» au cas par cas.
Turnover. Le départ de Cohn renforce par ailleurs les craintes sur la stabilité à la Maison Blanche. L'ancien conseiller économique rejoint en effet la longue liste des collaborateurs ayant quitté le navire présidentiel. Début février, le secrétaire du personnel de la Maison Blanche, Rob Porter, a démissionné après des accusations de violences conjugales de la part de ses deux ex-femmes. Début mars, la directrice de la communication, Hope Hicks, très proche de la famille Trump, l'a imité. Selon une étude de la Brookings Institution, plus de 40 % des hauts responsables de l'administration l'ont déjà quittée, volontairement ou non. Un taux de départ trois fois plus élevé que sous Obama et deux fois supérieur à celui de l'administration Reagan, qui détenait jusqu'à présent le record du turnover.