Depuis l’élection de Donald Trump, les relations diplomatiques entre Washington et Pyongyang sont une histoire de montagnes russes. Pendant un an, l’escalade verbale des dirigeants américain et nord-coréen a atteint des sommets inquiétants, avant une soudaine chute de tension. Celle-ci a été confirmée, ce vendredi, avec l’annonce historique d’une prochaine rencontre entre les deux hommes, mais elle était amorcée depuis le mois de décembre. Retour, en dix dates, sur ce bras de fer transpacifique.
3 janvier 2017
Tout a commencé par un tweet, comme souvent avec Donald Trump. «La Corée du Nord vient de déclarer être aux derniers stades du développement d'une arme nucléaire capable d'atteindre des régions américaines. Cela n'arrivera pas !» Le Président élu – mais pas encore investi – réagissait au discours de nouvel an du dictateur nord-coréen, Kim Jong-un, annonçant un futur test de missile balistique intercontinental (ICBM), c'est-à-dire d'une portée suffisante pour atteindre le territoire des Etats-Unis. En dépit de l'affirmation de Trump, le tir en question surviendra bien, sept mois plus tard.
12 février
Baptême du feu pour Donald Trump. Au moment où le Président reçoit le Premier ministre japonais, Shinzo Abe, dans sa résidence privée de Mar-a-Lago, Kim Jong-un assiste tout sourire à un tir de missile sous les encouragements de dizaines de soldats et de scientifiques nord-coréens. C’est le premier essai balistique de Pyongyang depuis l’élection du milliardaire aux Etats-Unis.
17 avril
Comme un parfum de guerre froide. Le vice-président américain, Mike Pence, prononce un discours depuis la «Freedom House» de la DMZ ( la zone démilitarisée entre le Nord et le Sud), dans le village de Panmunjom où fut signé l'armistice de la guerre de Corée en juillet 1953. La veille, Pyongyang a procédé à un nouvel essai balistique (raté) pour le 105e anniversaire de la naissance du fondateur de la République populaire démocratique de Corée, Kim Il-Sung. «L'ère de la patience stratégique est révolue, prévient Mike Pence. Le président Trump a clairement indiqué que la patience des Etats-Unis et de nos alliés dans cette région s'est épuisée et que nous voulons voir le changement.»
9 mai
L'avocat et militant des droits de l'homme Moon Jae-in est élu président de la Corée du Sud. Né en 1953, pendant la guerre, le candidat du Parti démocrate est le fils de modestes réfugiés du Nord qui fuyaient le stalinisme. Il est surtout l'un des artisans de la «politique du rayon de soleil» qui mena au deuxième et historique sommet intercoréen de 2007. Partisan d'une stratégie d'apaisement, Moon se dit «prêt à aller à Pyongyang» et «à s'asseoir avec Kim Jong-un pour discuter du programme nucléaire».
4 juillet
Toujours friand de symboles, Kim Jong-un a attendu le jour de la fête nationale américaine pour lancer un projectile qui a parcouru 930 kilomètres en une quarantaine de minutes avant de s'écraser dans les eaux de la zone économique exclusive (ZEE) japonaise. Pour la première fois de son histoire, la Corée du Nord vient de tirer un missile intercontinental (ICBM) Hwasong-14, annonce la présentatrice de la télévision publique dans un bulletin spécial. Certaines parties du territoire américain, comme l'Alaska, sont désormais à la portée des engins nord-coréens. Ulcéré, Trump promet à Pyongyang quelques semaines (et un nouveau tir d'ICBM) plus tard le «feu et la colère, comme le monde ne l'a jamais vu jusqu'ici» si Kim Jong-un persiste à menacer les Etats-Unis.
3 septembre
Une explosion suivie d'un tremblement de terre. Pyongyang franchit une étape technologique cruciale en procédant à un essai nucléaire (le sixième en onze ans) d'une puissance inédite. «Le test de la bombe à hydrogène était une réussite parfaite», claironne la présentatrice nord-coréenne. Les agences géologiques de la région ont mesuré une activité sismique de 6,3 sur l'échelle de Richter, une secousse cinq à six fois supérieure au précédent test. La Corée du Nord a prouvé sa capacité à tirer ses missiles à longue portée, elle montre ce jour-là qu'elle pourrait y greffer une arme thermonucléaire.
19 septembre
A la tribune des Nations unies, où Donald Trump effectue son premier discours, les visages se crispent. «Les Etats-Unis ont beaucoup de force et de patience. Mais si on les pousse à se défendre ou à défendre leurs alliés, nous n'aurons pas d'autre choix que de détruire totalement la Corée du Nord », assène le président américain. Devant les 193 Etats membres de l'ONU, il surnomme Kim Jong-un «Rocket Man» et qualifie son régime de «dégénéré». Quelques semaines plus tard, cette surenchère verbale tourne à la bataille de cour d'école. «Les remarques irréfléchies d'un vieux fou comme Trump ne nous effraieront jamais et ne pourront pas nous arrêter», promet un communiqué nord-coréen. «Pourquoi Kim Jong-un m'insulterait-il en m'appelant "vieux", alors que je ne l'appellerais JAMAIS "petit et gros" ? J'essaye tellement d'être son ami et peut-être qu'un jour ça arrivera», rétorque le président américain sur Twitter.
28 novembre
Le régime de Pyongyang tire son dix-neuvième missile de l’année. Il termine sa course en mer du Japon, comme pour les précédents tests. Mais cette fois, la fusée, de type Hwasong-15, est capable d’atteindre n’importe quel point du territoire américain. C’est le dernier essai balistique en date de la Corée du Nord.
13 décembre
Virage à 180 degrés, Washington entrouvre la porte du dialogue. «Nous sommes prêts à discuter dès que la Corée du Nord voudra discuter, déclare le secrétaire d'Etat américain Rex Tillerson. Nous sommes prêts à tenir une première réunion sans condition préalable.» Washington exigeait jusqu'à présent comme prérequis que Pyongyang abandonne son programme nucléaire, une option impensable pour le régime. «Rencontrons-nous, parlons de la météo si vous voulez, ou discutons pour savoir s'il faut une table carrée ou ronde si c'est ce qui vous fait plaisir, ironise Tillerson. Mais au moins voyons-nous face à face et ensuite on pourra commencer à établir une feuille de route de ce vers quoi nous voudrions aller.» Ce premier signe de réchauffement semble douché par une nouvelle bravade de Kim, le 1er janvier : «Le bouton nucléaire est toujours sur mon bureau. Les Etats-Unis doivent prendre conscience que ce n'est pas du chantage, mais la réalité», rappelle le dictateur. Réponse immédiate de Trump sur les réseaux sociaux : «Informez-le que moi aussi j'ai un bouton nucléaire, mais il est beaucoup plus gros et plus puissant que le sien, et le mien fonctionne !»
9 février 2018
Les athlètes nord-coréens et sud-coréens en manteaux blancs défilent côte à côte, et sous un drapeau commun, à Pyeongchang, lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques d'hiver. La petite sœur de Kim Jong-un, Kim Yo-jong, est présente dans les gradins. Promue au Politburo du Comité central du Parti des travailleurs à l'été, elle est le première membre de la dynastie nord-coréenne des Kim à se rendre sur le territoire sud-coréen depuis 1953. A-t-elle elle-même transmis l'invitation à Donald Trump, par l'entremise des diplomates sud-coréens ? Ce sont en tout cas les représentants de Séoul qui ont annoncé, jeudi soir, devant la Maison Blanche, cette nouvelle impensable il y a seulement quelques mois : le 45e président des Etats-Unis accepte la main tendue de Kim Jong-un.