Une «étape historique» vers la paix sur la péninsule coréenne. C’est en ces termes que le président sud-coréen, Moon Jae-in, a salué vendredi l’idée d’un sommet entre Donald Trump et Kim Jong-un. Selon toute logique, cette décision n’aurait pas été possible sans les gestes d’apaisement constants de Moon à l’égard de son turbulent voisin. Brendan Howe, professeur au département d’études internationales de l’université féminine Ewha, observe ce brusque revirement avec circonspection : «Je suis prudemment optimiste à ce stade, car la chose la plus importante est de poursuivre cet engagement tout en maintenant de fortes sanctions. Je ne pense pas que le Nord soit sincère sur sa dénucléarisation…»
Dès le départ, la politique de la main tendue du président sud-coréen envers le «pays ermite» a buté contre le scepticisme des camps conservateurs coréens. L'opposition soutenait que cela ne pouvait que servir les intérêts du régime, qui cherche à gagner du temps et fonce tête baissée pour développer son programme nucléaire. Pourtant, Moon est resté fidèle à sa ligne, alternant ouverture diplomatique et maintien des sanctions, tout en cherchant l'opportunité d'un échange avec le Nord. Une opportunité qui a coïncidé avec les Jeux olympiques de Pyeongchang le mois dernier. «En dépit du 6e essai nucléaire et des lancements de missiles balistiques intercontinentaux du Nord l'an passé, Moon Jae-in a maintenu sa politique de dialogue et de pression à deux voies. C'est ce qui a contribué à amener les liens transfrontaliers où ils en sont maintenant», estime Park Won-gon, professeur à l'université Handong.
Les toutes dernières tractations du président sud-coréen pourraient aussi avoir eu une influence sur le fait que Trump accepte de rencontrer celui qu'il n'hésite pourtant pas à qualifier de «Little Rocket Man». Mercredi, Séoul et Pyongyang se sont mis d'accord pour tenir un troisième sommet Sud-Nord. Pour de nombreux experts, face au dialogue intercoréen dans le sillage des JO, Trump ne pouvait pas rester sur la touche et risquer de créer une brèche avec un allié aussi stratégique.
En parallèle, Robert Manning, membre du think tank Atlantic Council, assure qu’il y avait des «facteurs combinés» derrière le changement radical de la position nord-coréenne. Selon lui, Washington et Séoul ont bien joué leur partition : «Les 25 tests de missiles et les 3 essais nucléaires de Kim lui ont donné plus de confiance sur le fait qu’il pouvait dissuader les Etats-Unis. Mais le comportement erratique et « fou » de Trump a fait craindre au leader nord-coréen que les Etats-Unis puissent réellement attaquer.» Brendan Howe est sur la même ligne : «Moon Jae-in et sa politique ont été absolument essentiels. Mais peut-être que la combinaison « good cop-bad cop » entre Moon et Trump a aussi particulièrement bien fonctionné.»