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Libération
L'éternité, c'est long

Chine : Xi Jinping peut être Président à vie

Dimanche, lors d’un vote à bulletins secrets, le Parlement chinois a, sans surprise, validé l’abolition de la limite des mandats présidentiels dans le temps.
Xi Jinping (au milieu), lors de la session du Parti communiste chinois, dimanche. (Photo Fred Dufour. AFP)
publié le 11 mars 2018 à 19h28

Mais qui forme donc cette paire inattendue (et mystérieuse) de contestataires, pour ne pas dire révolutionnaires ? Ce dimanche, lors d’un vote à bulletins secrets qui a réuni 2 958 voix pour, deux contre et trois abstentions, le Parlement chinois a, sans surprise, validé l’abolition de la limite des mandats présidentiels. Les députés de l’Assemblée nationale populaire (ANP) ont ainsi plébiscité un changement de la Constitution qui limitait jusqu’alors les mandats présidentiels à deux fois cinq ans. La majorité des deux tiers des votes était requise ; la barre a donc été franchie haut la main par le président de la République populaire, Xi Jinping, élu à ce poste par le Parlement national le 14 mars 2013.

L’amendement adopté fait également entrer «la pensée Xi Jinping» dans la Constitution, tout comme «le rôle dirigeant» du Parti communiste chinois (PCC) dans son article premier. Désormais, Xi Jinping, 64 ans, va pouvoir se maintenir à la tête de l’Etat après le terme prévu de 2023, soit l’issue du deuxième mandat qu’il va prochainement entamer. Et ce sans limite de temps ni de casquettes. Reste que s’ils font figure d’anecdotiques, ces deux votes contre la modification de la Constitution «entreront dans l’histoire», a estimé le dissident Hu Jia, joint par l’AFP dans le sud du pays, où les autorités l’ont assigné à résidence durant la session de l’ANP.

Comment en est-on arrivé là ?

Le projet de changement constitutionnel a été rendu public il y a deux semaines, prenant les Chinois par surprise, tandis que le pouvoir censurait les réactions critiques sur Internet. La limite de deux mandats avait été imposée dans la Constitution de 1982 par l’homme fort de l'époque, Deng Xiaoping, afin d'éviter un retour au régime dictatorial de l'ère Mao Zedong qui a dirigé le pays entre 1949 et 1976. «Quarante-deux ans plus tard, un nouveau tyran à la Mao se lève sur la Chine», avance Hu Jia. Ce résultat est dû à la capacité que s’est octroyée Xi Jinping de placer ses hommes à des postes stratégiques et à la campagne anti-corruption qui a visé plus de 1,2 million de cadres du PCC.

Quelles conséquences va avoir ce vote ?

Pour les observateurs occidentaux, cette modification de la Constitution peut laisser augurer une recrudescence de la répression à l’encontre des opposants au régime. Ces derniers pourraient être accusés d’atteinte à l’Etat pour avoir contesté la mainmise du PCC sur le pouvoir. Depuis son arrivée à la tête de l’appareil politique central fin 2012, entraînant de facto son arrivée à la tête de l’Etat début 2013, Xi Jinping a accru l’autorité du régime, à grand renfort de propagande et d’une omniprésence dans les médias d’Etat. Son objectif étant, face à l’Occident, de s’incarner en héraut de la «grande renaissance de la nation chinoise», revanche d’une superpuissance moderne et respectée à l’horizon 2050. Pour autant, selon le politologue Willy Lam, de l’université chinoise de Hongkong, si les députés n’ont pas osé contrecarrer le changement constitutionnel et qu’aucun d’entre eux n’osera voter contre Xi Jinping lors de son élection à un deuxième mandat qui aura lieu dans quelques jours, certains pourraient toutefois exprimer leur mécontentement d’ici la fin de la session parlementaire le 20 mars.

Qui est Xi Jinping ?

Fils de Xi Zhongxun, l’un des fondateurs de la guérilla communiste, Xi Jinping est né dans un milieu privilégié en 1953 à Pékin. Il appartient à la caste des «princes rouges», ces descendants des révolutionnaires arrivés au pouvoir en 1949 avant d’être broyés par les purges de Mao. Pour autant, le président chinois cherche à gommer ses origines et cultive une image de dirigeant proche du peuple : la propagande insiste sur sa vie frugale dans une grotte à la campagne pendant la Révolution culturelle (1966-76).

Après les troubles de l’ère maoïste, il décroche à la fin des années 70 un diplôme d’ingénieur chimiste de la prestigieuse université Tsinghua à Pékin. Mais il fait carrière dans l’appareil du Parti, où il entre à 20 ans. Gouverneur du Fujian en 1999, patron du parti au Zhejiang en 2002, deux provinces côtières vitrines des réformes économiques, il entre en 2007 au Comité permanent du Bureau politique, le cercle dirigeant du PCC, dont il prendra les rênes en novembre 2012.

Sur plan personnel, Xi Jinping, qui a étudié l’agriculture aux Etats-Unis en 1985, a épousé en 1987 en secondes noces la célèbre chanteuse Peng Liyuan. Le couple a une fille qui a étudié à Harvard. Surnommé «Xi Dada» (Tonton Xi) par la population, le président de la République populaire est parfois comparé à Mao pour le culte dont il fait l’objet et ses pouvoirs. Secrétaire général du PCC – «noyau central», comme l’a qualifié le parti en 2016 –, président de facto du pays, président de la commission militaire centrale, président de groupes de travail… Xi Jinping cumule depuis 2012 les fonctions à la tête de la deuxième puissance mondiale. Et cela n’est visiblement pas à la veille de s’arrêter.