Juste au cas où il y ait le moindre doute, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne ont publié jeudi un communiqué commun dont les termes, extrêmement forts, ne laissent la place à aucune ambiguïté. La solidarité avec le Royaume-Uni dans l’affaire de l’empoisonnement sur son sol d’un ancien agent russe, Sergei Sprikal, et de sa fille Youlia, par l’agent innervant Novitchok, est absolue et la condamnation de la Russie, sans appel.
«Cet usage d'un agent innervant de grade militaire, d'un type développé par la Russie, constitue la première attaque avec un agent innervant en Europe depuis la Seconde guerre mondiale, dit le communiqué. Il s'agit d'une atteinte à la souveraineté britannique et un tel usage de la part d'un Etat membre représente une violation claire de la Convention sur les armes chimiques et est en contravention avec la loi internationale. Il menace la sécurité de tous.» Les dirigeants des pays signataires indiquent que «le Royaume-Uni a informé de manière intense ses alliés sur le fait qu'il est hautement probable que la Russie soit responsable de l'attaque. Nous partageons le constat britannique qu'il n'y pas d'autre explication plausible et notons que le fait que la Russie n'ait pas répondu aux demandes légitimes du gouvernement britannique démontre un peu plus sa responsabilité.»
Voilà qui devrait rassurer Theresa May. Depuis la confirmation de l'utilisation de cette arme chimique, développée par l'Union soviétique dans les années 1970-80, qui se présente souvent sous la forme d'une poudre, le gouvernement britannique n'a pas caché chercher à rassembler le plus large consensus international après l'annonce de premières sanctions mercredi, notamment l'expulsion de 23 diplomates de l'ambassade russe à Londres, «identifiés comme des espions non déclarés». La Russie, qui continue à catégoriquement démentir toute implication dans cette tentative d'assassinat, a prévenu que des mesures identiques de rétorsion étaient imminentes. Sergei Sprikal, 66 ans et sa fille Youlia, 33 ans, sont toujours dans un état «critique mais stable».
Tiédeur française?
Alors que des déclarations internationales très fermes se sont succédées ces derniers jours, et notamment mercredi soir lors d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité aux Nations unies, un léger flottement s'était fait sentir jeudi matin après un article en première page du Times qui accusait la France de faire preuve d'une certaine tiédeur dans son soutien. L'Elysée a catégoriquement démenti et Emmanuel Macron a parlé une nouvelle fois au téléphone avec Theresa May jeudi matin – les deux dirigeants avaient déjà échangé lundi soir - pour la rassurer et lui confirmer «sa solidarité». «Le Royaume-Uni a tenu la France étroitement informée des indices recueillis par les enquêteurs britanniques et des éléments démontrant la responsabilité de la Russie dans l'attaque», a déclaré l'Elysée. L'entourage du président a précisé que «Mme May et le président ont eu un échange très précis, fondé sur les informations des services secrets. La conviction du président est faite». Emmanuel Macron, en déplacement en Indre-et-Loire, a refusé de dire si les récents développements remettaient en cause son voyage en Russie, au forum économique de Saint-Pétersbourg les 24 et 25 mai prochains. Il a en revanche indiqué qu'il boycotterait le pavillon russe du salon du livre, qui s'est ouvert jeudi soir. Il annoncera «dans les prochains jours les mesures que nous comptons prendre».
Le communiqué commun des dirigeants américain, britannique, français et allemand «appelle la Russie à répondre à toutes les questions en lien avec l'attaque de Salisbury. La Russie doit en particulier fournir un dossier complet et total sur le programme Novitchok à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC)», située à La Haye, aux Pays-Bas. L'agent innervant a été identifié par des experts du Laboratoire de science et technologie du ministère de la Défense (DSTL), à Porton Down, situé à une dizaine de kilomètres de Salisbury. Les dirigeants se sont dits particulièrement inquiets en raison de «précédents d'une attitude de la Russie irresponsable. Nous appelons la Russie à honorer ses responsabilités de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies pour maintenir la paix et la sécurité internationales».
Theresa May, qui s'est rendu jeudi à Salisbury, où l'ancien agent double et sa fille avaient été retrouvés le 4 mars, affaissés et sans connaissance sur un banc dans un parc, a estimé que «c'est arrivé au Royaume-Uni, mais ça aurait pu arriver n'importe où et nous affichons notre unité» face à un tel acte. Les prochains jours devraient permettre de juger si ce soutien absolu, mais pour le moment uniquement verbal, se transformera en actes concrets.