Les 27 commissaires font bloc autour de Martin Selmayr et de Jean-Claude Juncker alors que la puissante commission du contrôle budgétaire (Cocobu) commence lundi son enquête sur la promotion express et controversée du chef de cabinet du président de la Commission au poste de secrétaire général, la plus haute fonction de l’administration de l’exécutif européen.
Depuis le début de la tempête, les rares commissaires qui se sont exprimés officiellement, comme le Finlandais Jyrki Katainen, la Belge Marianne Thyssen ou la Danoise Margrethe Vestager, ont juste reconnu du bout des lèvres qu’ils avaient été placés devant le fait accompli au début de la réunion du collège du 21 février qui a promu Selmayr. C’est d’ailleurs l’un des aspects les plus curieux de cette affaire : alors que les commissaires sont tous d’anciens Premiers ministres ou ministres nommés par leur Etat, aucun d’entre eux n’a eu le courage d’élever la moindre objection comme s’ils avaient peur d’un Juncker qui ne peut pourtant rien contre eux.
L’un d’eux, sous couvert d’anonymat, nous a expliqué que l’effet de surprise a été tel que personne n’a pensé protester. Un argument pour le moins curieux, les politiques ne parvenant à survivre en milieu hostile qu’en anticipant les chausse-trappes. Qu’une «star» comme Vestager, qui s’en prend à Apple ou à Google, ou qu’un Pierre Moscovici, qui a tracé sa route au milieu des embuscades du PS, n’aient pas été capables de demander la moindre explication à Juncker alors qu’il se livrait sous leurs yeux à un putsch bureaucratique en confiant les pleins pouvoirs à son homme de confiance laisse sans voix. Si on admet l’explication de la surprise, on comprend mal, en revanche, que, depuis, l’affaire Selmayr n’ait jamais été évoquée lors des réunions du collège.
«En réalité, les commissaires sont tous responsables de la nomination de Selmayr. S'il tombe, ils seront tous éclaboussés pour avoir été incapables de voir qu'on violait le statut des fonctionnaires sous leurs yeux et que la séparation entre le niveau politique et administratif tombait. C'est pour cela qu'ils font bloc», analyse un connaisseur des affaires européennes. C'est exactement ce qu'il s'est passé au moment où Libération avait révélé, fin 1998, les emplois fictifs distribués à ses proches par la commissaire française Edith Cresson. Cette stratégie du hérisson s'est pourtant alors révélée totalement contreproductive, puisque la Commission, dirigée par Jacques Santer, avait finalement dû démissionner en mars 1999.