Sa moustache avait bien été aperçue ce jeudi après-midi par des journalistes dans les couloirs de la West Wing, à la Maison Blanche. Mais c'est via Twitter que le très conservateur John Bolton, ancien ambassadeur des Etats-Unis à l'ONU, conseiller officieux de Donald Trump et commentateur sur Fox News – chaîne que le Président affectionne particulièrement – a eu confirmation de sa nomination : «Je suis heureux d'annoncer qu'à compter du 9 avril 2018, John Bolton sera mon nouveau conseiller à la sécurité nationale», a indiqué Donald Trump sur le réseau social. Interrogé par Fox News juste après le tweet présidentiel, Bolton, 69 ans, a en effet affirmé ne pas s'attendre à une officialisation si rapide. «Je suis toujours en train d'assimiler l'information, donc je n'y ai pas encore beaucoup pensé», a-t-il reconnu.
Bolton remplacera le général H.R. McMaster, lui-même nommé après la démission de Michael Flynn en février 2017. Saluant «le travail extraordinaire» de McMaster, qui a également annoncé qu'il prenait sa retraite de l'armée, Donald Trump a assuré qu'il resterait toujours son «ami».
Depuis plusieurs semaines, les rumeurs autour du départ du général trois étoiles ne tarissaient pas. Affaibli au sein de l'administration, lâché par le président, qui avait vu rouge lorsque McMaster avait publiquement reconnu qu'il y avait des preuves «irréfutables» de l'ingérence russe lors des élections de 2016. Ce nouveau remaniement n'est que le dernier en date, après une cascade de limogeages et de démissions. Et notamment le départ, il y a dix jours, du secrétaire d'Etat Rex Tillerson, remplacé par l'actuel directeur de la CIA Mike Pompeo.
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Chaos permanent
Hope Hicks, Rex Tillerson, Gary Cohn, Steve Bannon, Anthony Scaramucci, Sean Spicer, Reince Priebus… La valse des conseillers et des ministres à la Maison Blanche donne le tournis. Selon la Brookings Institution, un think-tank dont le siège est à Washington, et qui comptabilise tous ces départs et mouvements dans l'exécutif américain, en 14 mois, 48% des plus hauts postes de l'administration ont été affectés par un changement – limogeage, démission ou promotion. A titre de comparaison, ce chiffre était de 24% en deux années d'administration Obama. Et sur les 12 positions les plus élevées dans l'organisation du cabinet – chef de cabinet, porte-parole, conseiller à la sécurité nationale, etc – sept ont changé au moins une fois.
«Ça va devenir de plus en plus difficile de pourvoir ces postes à la Maison Blanche, explique à Libération l'une des auteures de cette étude, Elaine Kamarck, qui dirige le Center for Effective Public Management à la Brookings Institution. Le nombre très élevé de ces départs, sans précédent, indique bien le chaos permanent qui règne à la Maison Blanche. Changer les personnes à ces postes-clé, c'est changer sans arrêt de direction politique, et c'est ne pas être capable de concevoir des analyses cohérentes sur lesquelles doivent se baser des décisions. Ça rend très difficile la réalisation d'un agenda politique.»
Faucons
Les récentes nominations de Bolton et Pompeo vont, en tout cas, uniformiser les positions au sein du Conseil de sécurité nationale (qui réunit, autour du président, le vice-président, le secrétaire d’Etat, le secrétaire à la Défense et le conseiller à la sécurité nationale). John Bolton est, comme Mike Pompeo, un républicain «faucon». Il était même l’un des va-t-en-guerre les plus chevronnés de l’administration de George W. Bush pour l’intervention militaire en Irak. Comme Pompeo, Bolton est également l’un des plus acerbes pourfendeurs de l’accord sur le nucléaire iranien signé en juillet 2015 pour empêcher l’Iran de se doter de la bombe nucléaire. Les Etats-Unis doivent se prononcer sur la destinée de cet accord avant la mi-mai. Dans ce cénacle, Tillerson et McMaster faisaient figure de modérés, tentant notamment de sauver cet accord.
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John Bolton est notamment connu pour ses analyses tranchées et belliqueuses. Sur la Corée du Nord par exemple, autre front d'importance pour l'administration américaine, le commentateur de la Fox n'a jamais caché son scepticisme vis-à-vis des sanctions imposées par les Etats-Unis au régime, leur préférant une intervention militaire. Interrogé à la télévision il y a quelques mois, il avait par exemple affirmé que «la seule option diplomatique restante [était] de mettre fin au régime nord-coréen en laissant la Corée du Sud prendre le contrôle du territoire».
Si Donald Trump apprécie probablement la verve et les analyses de Bolton, il n'en va pas de même de sa moustache style «morse». C'est en tout cas ce que racontait l'ancien conseiller stratégique Steve Bannon, cité dans Fire and Fury, le livre-déballage de Michael Wolff: «La moustache de Bolton est un problème. Trump trouve qu'il n'a pas la tête de l'emploi.»