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Libération
Indépendance

La Catalogne en plein imbroglio politico-judiciaire

La leader indépendantiste Marta Rovira (au premier plan) a fui l'Espagne pour la Suisse. (Photo Lluis Gene. AFP)
publié le 23 mars 2018 à 19h30

Sur fond de blocage politique, les dirigeants du séparatisme catalan jouent au chat et à la souris avec la justice espagnole. Alors même que cinq personnalités sécessionnistes étaient placées en détention provisoire par le Tribunal suprême à Madrid, la secrétaire générale d’Esquerra (le grand parti favorable à un divorce avec l’Espagne), Marta Rovira, a pris la fuite vendredi afin d’éviter une interpellation. Pressentie comme une des favorites pour présider la Catalogne, la leader indépendantiste s’est réfugiée en Suisse, tout comme Anna Gabriel, l’ancienne porte-parole de la CUP, le mouvement anticapitaliste favorable à une partition immédiate avec Madrid et dont les députés sont indispensables à toute potentielle coalition sécessionniste à la tête de cette turbulente région.

Six personnalités en fuite à l’étranger

Dans une déclaration émue, Marta Rovira a souligné que «le chemin de l'exil» est «très difficile» mais qu'il est pour elle «la seule façon de se rebeller» contre le gouvernement conservateur à Madrid. Au même titre, 28 séparatistes catalans sont poursuivis par le juge Pablo Llarena, du Tribunal suprême, pour «sécession» et, pour certains, pour «malversations de fonds publics». Concrètement, ils sont accusés d'avoir violé la légalité espagnole avant et pendant le référendum d'autodétermination interdit du 1er octobre.

Comme depuis le début de la crise catalane, en 2012, le chef du gouvernement Mariano Rajoy se réfugie derrière le pouvoir judiciaire. Dans la mesure où les sécessionnistes ont enfreint la constitution, dit-il en substance, c'est aux juges seuls de répondre au «défi séparatiste». Aujourd'hui, plus que jamais, on assiste donc à une bataille judiciaire entre le tribunal suprême et les principaux acteurs du sécessionnisme catalan. Au total, cinq ont été remis en liberté, sept ont été placés en liberté provisionnelle et quatre en détention provisoire. En outre, sans compter Marta Rovira, six personnalités se trouvent aujourd'hui à l'étranger afin d'échapper aux griffes de la justice, en Suisse, en Ecosse et en Belgique, dont l'ancien chef de l'exécutif catalan Carles Puigdemont. Tous sont poursuivis pour «sédition» ou «rébellion», des chefs d'accusation très graves au regard du code pénal espagnol, et peuvent encourir jusqu'à trente ans de prison.

Blocage politique

Ce zèle judiciaire contre les têtes pensantes du sécessionnisme catalan explique en bonne partie le blocage politique depuis la victoire des indépendantistes aux législatives régionales de décembre. Depuis janvier, on a ainsi assisté à l’investiture impossible de Carles Puigdemont, qui prétendait gouverner depuis la Belgique, puis celle de Jordi Sanchez, derrière les barreaux dans une prison madrilène. Jeudi, ce fut au tour de Jordi Turull, ancien ministre du gouvernement séparatiste sortant, lui aussi mis en examen. D’après les observateurs, ce cadenas politique risque fort d’obliger à la tenue à de nouvelles élections législatives en Catalogne, probablement d’ici l’été.