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Libération

Agnès Chow, de collégienne à ennemie du Parti

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publié le 3 avril 2018 à 19h36

Avec sa jupe longue et son chemisier gris, Agnès Chow a des airs de première de la classe. Elle n'en est pas moins une des cibles les plus en vue du Parti communiste chinois. Avec son slogan «le droit des Hongkongais à l'autodétermination», l'étudiante voulait reconquérir le siège de député du parti Demosisto de Nathan Law, disqualifié en 2016. Mais Pékin a fait invalider sa candidature en l'assimilant à une indépendantiste.

«On sert d'exemple pour créer une forme de terreur blanche et faire comprendre aux gens qu'ils ne doivent pas s'opposer», commente la militante de 21 ans, appuyée sur un bout de table jonché de papiers de bonbons. Le siège de Demosisto, le parti qu'elle a cofondé, a des airs de foyer d'étudiants. Des militants bouquinent sous des couettes, d'autres discutent, vautrés sur des canapés-lits. Parmi eux, on reconnaît Joshua Wong et Nathan Law, deux figures de la «révolte des parapluies» de 2014.

Agnès Chow les connaît depuis 2012. Alors «collégienne sans histoire» et passionnée de films d'animation japonais, elle découvre sur Internet leur syndicat étudiant, Scholarism. Elle s'engage avec eux contre une réforme de l'éducation impulsée par Pékin, que les lycéens dénoncent avec des milliers d'autres Hongkongais comme «un lavage de cerveaux destiné à asservir la jeunesse». Elle n'a pas 15 ans. La réforme est enterrée. Agnès Chow gagne sa première bataille politique. Deux ans après, elle est de toutes les manifestations qui soulèvent 500 000 personnes durant deux mois contre le pouvoir central chinois. En vain.

Aujourd'hui, elle et sa bande se présentent comme le renouveau au sein d'une opposition jusqu'alors dominée par des hommes politiques d'un autre siècle. Elle se targue d'avoir appris la politique sur le tas, «sans mentor, ni modèle ni adulte». Mais «le régime communiste prend la jeunesse pour cible», critique l'étudiante au discours rodé : «Il fait comprendre que les meneurs le paieront. Ça en dissuade beaucoup.»

Pas elle. Quand ses «copains Joshua et Nathan» ont été emprisonnés l'été dernier par un pouvoir judiciaire sous la pression de Pékin, elle a dû sortir de l'ombre et renoncer momentanément à ses études en relations internationales pour se lancer dans la course aux législatives. Un engagement pour lequel elle a le soutien de ses parents, chez qui elle vit toujours. Elle est déjà allée plaider la cause de Hongkong au Parlement européen. Pour elle, Demosisto, privé de mandat électoral, doit continuer de jouer la carte internationale. Avec pour atout la sélection de Joshua Wong et Nathan Law pour le futur prix Nobel de la paix.