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Libération
Catalogne

Carles Puigdemont à un cheveu de l’extradition en Espagne

L’ex-président catalan est détenu à Neumünster, dans le nord de l'Allemagne, depuis le 25 mars. Comme attendu, la justice allemande semble favorable à son extradition. La décision finale devra toutefois être prise dans les jours à venir.
Une manifestation pro-Puigdemont à Berlin, dimanche 1er avril. Sur l'affiche, on peut lire : «Et si l'on me jette dans un sombre cachot, tout ce travail serait vain. Les pensées sont libres.» (Photo Odd Andersen. AFP)
publié le 3 avril 2018 à 16h18

On attendait une première décision aux alentours de Pâques, la voici. On s'attendait à ce qu'elle aille dans le sens d'une extradition de Carles Puigdemont, c'est également le cas. Le procureur général du Schleswig-Holstein, Land où l'ex-président catalan est détenu depuis le 25 mars, vient de reconnaître la validité en droit allemand des deux chefs d'inculpation de la justice espagnole – à savoir, «rébellion» et «détournement de fonds». Il estime également que le «maintien en détention» de Carles Puigdemont est nécessaire, en raison du «risque de fuite» en cas de remise en liberté. En somme, le leader indépendantiste est désormais à un cheveu de l'extradition en Espagne, où il risque jusqu'à trente ans de prison.

Certes, la décision finale devra être prise dans les jours à venir, la justice disposant d’en théorie soixante jours pour se prononcer (avec, surprise du chef, une rallonge de trente jours si nécessaire). Mais c’est un premier pas plus que significatif. La question soulevée par la justice allemande était la suivante : les deux principales accusations de la justice espagnole à l’encontre de Puigdemont, à savoir «rébellion» et «détournement de fonds publics» sont-elles valables au regard du droit allemand ?

En Allemagne, les juristes restent divisés sur le sujet. Certains, à l'image du vice-président du Bundestag, Wolfgang Kubicki (Libéraux), ont fait valoir que la «rébellion» telle qu'elle existe dans le code pénal espagnol n'a pas d'équivalent dans le code pénal allemand. D'autres, à l'inverse, estiment que l'article 81 du code pénal, qui punit le Hochverrat, la «haute trahison», s'en rapproche. C'est cette dernière interprétation qui a été retenue par le parquet.

Toutefois, cet article 81 requiert également que le perpétrant ait usé de la violence contre la Fédération ou la Constitution. Ou, a minima, il faudrait établir que des violences commises par d'autres personnes soient directement imputables à Carles Puigdemont.

C'est d'ailleurs en ce sens que Puigdemont a présenté lundi en Espagne un recours contre son inculpation pour «rébellion», soulignant l'absence de violence dans ses actes. Selon lui, si des violences sont intervenues avant ou pendant le référendum d'autodétermination organisé le 1er octobre 2017, elles ont été ponctuelles et attribuables «uniquement aux personnes qui ont mené ces actions».

L’opinion allemande plutôt défavorable

Depuis le début du volet allemand de cette affaire, le gouvernement semble marcher sur des œufs. Le soir de l'arrestation de Puigdemont, la ministre de la Justice, Katarina Barley (SPD), invoquait prudemment la séparation des pouvoirs. A juste titre. Mais c'était surtout une manière de ne pas commenter les enjeux politiques de cette affaire, qui n'est pourtant pas seulement d'ordre juridique. Le lendemain, le porte-parole d'Angela Merkel, Steffen Seibert, enchaînait en conférence de presse : «L'Espagne est un Etat de droit démocratique et le gouvernement allemand est convaincu que le conflit catalan doit être réglé par la justice et dans le cadre constitutionnel espagnol.» Vendredi dernier, on apprenait dans le Spiegel que le gouvernement fédéral ne s'opposerait pas à une extradition de Puigdemont. Car Berlin a techniquement le pouvoir de le faire. Mais, selon le magazine, le ministre des Affaires étrangères, Heiko Maas (SPD), comme Katarina Barley à la Justice, se sont bien mis d'accord sur ce point : pas d'ingérence politique. L'argument invoqué est ironique, vu le sujet qui nous occupe : ils considèrent que s'opposer à l'extradition de Puigdemont serait un affront juridique comme politique fait aux Länder, une sorte d'ingérence fédérale dans une décision locale.

En outre, l'opinion allemande semble plutôt opposée à cette extradition, comme le montre ce sondage de l'institut Civey, réalisé pour le quotidien conservateur Die Welt : 51% des Allemands interrogés s'y disent défavorables. Dimanche à Berlin, près de la porte de Brandebourg, plusieurs centaines de manifestants ont réclamé la libération de l'ex-président catalan.