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Libération

Réfugiés : la double volte-face de Nétanyahou

publié le 3 avril 2018 à 19h36

Cynisme absolu ou terrible aveu de faiblesse ? Mardi matin, le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a unilatéralement rompu un accord avec le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) annoncé lundi, qui visaient à régler le sort des milliers d’Erythréens et Soudanais vivant sans papiers dans le pays.

Lundi, donc, Nétanyahou annonçait l'abandon de son très controversé projet d'expulsion des 38 000 migrants africains présents dans l'Etat hébreu, avec un «choix» entre un billet d'avion vers «un pays tiers» (plus précisément, le Rwanda ou l'Ouganda, via un arrangement financier officieux) ou l'incarcération à durée illimitée en Israël. En pleine Pâques juive et contre toute attente, «Bibi» se ravisait et dévoilait un plan plus humain, grâce à un accord conclu avec le HCR. Un peu plus de 16 000 migrants se verraient accueillis dans «des pays occidentaux» selon une procédure pilotée par le HCR, et les restants se verraient offrir une régularisation temporaire et des programmes d'insertion.

Mais dans les heures qui ont suivi, les ténors de la coalition d'ultra-droite, qui jurent n'avoir jamais été mis au parfum, ont pris le Premier ministre en tenaille. A sa droite, le ministre de l'Education, Naftali Bennett, leader des nationalistes religieux, l'a accusé de créer «un paradis pour les infiltrés» et d'avoir «capitulé». Sur son versant centriste, son ministre des Finances, Moshe Kahlon, a qualifié le plan d'«inacceptable». Plus embarrassant encore : alors que Nétanyahou avait annoncé que l'Allemagne et l'Italie étaient prêtes à ouvrir leurs portes aux réfugiés, leurs représentations diplomatiques ont démenti.

A 21 heures, soit cinq heures après avoir présenté cet «accord sans précédent», Nétanyahou annonçait le gel de sa mise en œuvre via une tirade vindicative sur Facebook, dans laquelle il accusait l'Union européenne et le New Israel Fund (un influent think tank progressiste américain) d'avoir fait pression sur le Rwanda pour saboter son précédent plan, qui permettait selon lui «d'expulser les infiltrés sans leur consentement». Double boulette diplomatique : non seulement le Rwanda a nié avoir conclu un deal «écrit ou oral» avec Israël sur les réfugiés, mais la délégation de l'UE à Tel-Aviv s'est aussi fendue d'un tweet acerbe : «Il y a des journées comme ça… A 20 h 57 vous félicitez Israël pour son accord sur les réfugiés […] et à 22 h 50, le Premier ministre le suspend et accuse, parmi d'autres, l'UE (alors que le HCR compte justement y réinstaller un nombre important de réfugiés).» De son côté, le New Israel Fund a nié toute intervention auprès des autorités rwandaises.