Les photos qui nous parviennent de Douma, où le régime syrien a lancé ce week-end une nouvelle attaque chimique, sont insoutenables. Comme elles l'étaient il y a un an lorsque nous avions montré en une ces «enfants d'Assad» morts gazés (page 4). Combien de unes de la presse mondiale faudra-t-il pour convaincre les démocraties occidentales de stopper la fuite en avant mortifère du fou de Damas ? On ne soulignera jamais assez la faute originelle commise en 2013 par Barack Obama, quand il avait fait de l'arme chimique une «ligne rouge» avant de renoncer à frapper la Syrie qui venait de l'utiliser dans la banlieue de Damas. Le président de la première puissance mondiale n'en avait pas tiré les conséquences, signifiant par là que tout était désormais permis. La suite a montré que c'était le cas. De fait, cette expression de «ligne rouge» a tant été dévoyée qu'elle ne veut plus rien dire. Pire, elle peut même pousser certains à mesurer jusqu'où ils peuvent déplacer les limites de l'horreur. Bachar al-Assad, qui fait un bras d'honneur au monde entier depuis sept ans, en profite, narguant des puissances occidentales paralysées par les risques de réactions en chaîne. Car, à la différence de 2013, la Syrie est devenue le lieu où se joue le nouvel équilibre mondial, le terrain de bataille privilégié de puissances souvent rivales (Etats-Unis, France, Russie, Iran, Turquie, Israël…). La moindre erreur de jugement ou de frappe peut entraîner une déflagration régionale voire planétaire. Américains et Français risquent de mener des frappes ciblées sur la Syrie en rétorsion de l'attaque de Douma, et ils auront raison, même s'il est trop tard : Donald Trump l'a déjà fait il y a un an ; et Emmanuel Macron est trop soucieux de sa posture internationale. Si la diplomatie a encore un sens, c'est maintenant qu'elle doit jouer à plein, pour désamorcer la réaction des Russes, nouveaux maîtres de la Syrie.
Éditorial
Mortifère
publié le 9 avril 2018 à 20h36
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