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Libération
Récit

En Géorgie, les mines sombrent

Un glissement de terrain dans la mine de Tkibuli, dans l'ouest du pays, a coûté la vie à six personnes la semaine dernière, cristallisant les tensions autour des conditions de travail des mineurs.
Des mineurs dans la ville de Tkibuli, en Georgie, en mai 2010. (Photo David Mdzinarishvili. Reuters)
publié le 11 avril 2018 à 13h36

«C'est l'un des plus grands drames de ces dernières années. Je suis terriblement touché», dit Otto Kobakhidze, un militant des droits de l'homme d'une vingtaine d'années habitant la capitale, Tbilissi, joint par téléphone. Six travailleurs sont morts le 5 avril dans la mine de charbon de Mindeli, dans l'ouest de la Géorgie, dont deux hommes du même âge que lui. Le toit s'est effondré après un glissement de terrain.

Le Premier ministre géorgien, Guiorgui Kvirikachvili, a déclaré dans un communiqué qu'une enquête a été ouverte pour violations des règles de sécurité. Mais Otto Kobakhidze reste sceptique, car ces accidents donnent très rarement suite à des condamnations. «Le gouvernement est conscient du fait que les normes de sécurité ne sont pas respectées par les employeurs mais il ne fait rien de substantiel pour l'éviter. Il y a bien des inspecteurs, mais ils ont peu de pouvoir, leur travail se résume souvent à faire des recommandations et à attendre. Et pendant ce temps, des gens meurent.»

Les accidents sont devenus monnaie courante. Entre 2010 et 2017, 350 travailleurs sont morts et près de 1 000 ont été blessés, selon le ministère géorgien de l’Intérieur. Rien qu’à Tkibuli, où a eu lieu le drame, dix mineurs sont décédés depuis 2011. En 2016, les employés avaient protesté pendant seize jours pour obtenir une revalorisation de leur salaire et de meilleures conditions de travail.

«De plus en plus de débats»

Ces mines n’ont pas été rénovées depuis l’époque soviétique ; l’économie du charbon était alors glorieuse. Aujourd’hui, elle s’est écroulée et représente deux fois moins d’emplois, environ 10 000. Dans les quelques villes où les mines sont toujours présentes, comme à Tkibuli, c’est toute l’économie locale qui en dépend. Les habitants n’ont alors que deux choix : travailler à la mine ou partir. La vie des mineurs est éreintante : ils travaillent plusieurs centaines de mètres sous terre, parfois sans l’équipement nécessaire, avec des machines vétustes, dans des conditions de sécurité douteuses et tout cela pour un salaire modique.

Les protestations sont de plus en plus régulières dans le pays au fur et à mesure que les drames s'enchaînent. Après l'accident de Tkibuli, Otto Kobakhidze et quelques centaines d'étudiants et de personnes issues de la société civile se sont rassemblées devant l'université d'Etat de Tbilissi pour manifester leur solidarité envers les mineurs et dénoncer leurs conditions de travail. «Je ne pense pas que l'on soit assez pour que le gouvernement nous entende, concède le jeune militant. Mais il y a de plus en plus de débats autour du sujet.»

En mars, le gouvernement géorgien a passé une loi augmentant le montant des amendes pour non-respect des normes de sécurité. L’entrée en vigueur est prévue dans les mois à venir. Là encore, difficile de dire si cela fera bouger les choses.