Des dizaines de milliers de Sud-Africains ont rendu un dernier hommage à Winnie Madikizela-Mandela, ce samedi, lors de funérailles nationales. Le stade d'Orlando, situé dans le township historique de Soweto, était plein à craquer. La foule, tantôt joyeuse, émotive ou revendicatrice, a chanté et dansé sur les hymnes qui ont marqué la vie de celle qui était surnommée «la Mère de la Nation», décédée le 2 avril.
«Winnie Mandela ne meurt pas»
Une cérémonie très politisée. Dans les tribunes, s'affichent t-shirts, foulards et drapeaux aux couleurs de l'ANC, le parti au pouvoir et ancien mouvement de la lutte contre l'apartheid. Mais des bérets rouges s'alignent aussi sur des rangées entières, occupées par des militants des Combattants pour la Liberté Economique, le parti de la gauche radicale créé par le populiste Julius Malema. Les deux groupes rivalisent de ferveur pour se revendiquer comme les héritiers légitimes de la défunte. Lorsque Julius Malema, qui était proche de Winnie Mandela, prend la parole, il appelle à poursuivre son combat pour «une transformation économique radicale», via l'expropriation sans compensation de terres appartenant à des Blancs pour les redistribuer à la majorité noire. «Winnie Mandela ne meurt pas, elle se multiplie en des millions de fleurs rouges», lance-t-il, en référence à la couleur de son parti.
«Nous ne sommes plus à l'époque de l'euphorie qui a suivi l'élection de Nelson Mandela, celle du rêve la Nation arc-en-ciel», estime Liesl Louw-Vaudran, journaliste et analyste à l'Institut pour les études sur la sécurité, basé à Pretoria. Ils sont de plus en plus nombreux parmi la population noire à se montrer critiques des concessions qui ont été faites à la fin de l'apartheid. Winnie Mandela n'était pas une femme de concessions. Sa résistance à tout prix et son franc-parler, inspirent parmi la nouvelle génération de militants, notamment parmi les femmes noires, nombreuses à lui rendre hommage sur les réseaux sociaux. «C'est un volcan qui vit en chacun de nous», dit Naledi Chirwa, une jeune activiste féministe sud-africaine, qui promet de poursuivre sa révolte contre les inégalités et «le patriarcat».
Les critiques tues
Face à cette célébration populaire, les dirigeants de l'ANC se sont succédés pour faire l'éloge de «Mama Winnie», les quelques voix critiques face aux controverses qui l'ont entourée se sont vite tues en cette période de deuil. Pourtant, beaucoup au sein de l'organisation étaient en désaccord avec ses prises de position, voire l'avaient ouvertement critiquée ou accusée. Dans un poignant discours, les larmes aux yeux, Zenani Mandela, la fille aînée de Winnie et Nelson Mandela a réglé ses comptes avec ceux qui ont sali l'image de sa mère - estimant que ceux-ci «soumettent les hommes et les femmes à des standards moraux différents» - pour ne reconnaître ses mérites qu'après sa mort. «Cela montre quels hypocrites vous êtes», a-t-elle dit, avant de louer «une jeune génération qui n'a pas peur des pouvoirs établis et est prête à remettre en cause leurs mensonges».
L’hommage qui lui a été rendu démontre que pour une majorité de Sud-Africains, Winnie restera avant tout une héroïne de la lutte anti-apartheid. Non pas parce qu’elle était l’ex-épouse de Nelson Mandela, mais parce qu’elle a elle-même contribué, au prix de nombreux sacrifices, à faire tomber le régime raciste.