Le Parti démocratique socialiste, le DPS, l’héritier de la Ligue Communiste, détient le pouvoir au Monténégro depuis 1991 et n’est pas près de le lâcher. L’élection, haut la main, de l’archi-favori de la présidentielle monténégrine, Milo Djukanovic était attendue hier, dimanche. Le candidat pro-occidental a effectivement remporté le scrutin dès le premier tour, avec 55,89 % des voix, selon les résultats préliminaires. Le taux de participation, s’élevant à 64 %, est même en légère hausse par rapport à la dernière présidentielle, en 2013. Ce sera le deuxième mandat présidentiel du vétéran de la politique locale de 56 ans qui a déjà occupé cette fonction entre 1998 et 2002, mais aussi celle de Premier ministre à six reprises.
L'homme fort du pays distancie nettement l'outsider Mladen Bojanic qui, obtenant 33,8 % des suffrages, arrive deuxième. Soutenu par des formations aux idéologies divergentes, dont le pro-serbe Front démocratique, le candidat indépendant n'a pas réussi à créer la surprise qu'il espérait en accédant au second tour. Mladen Bojanic, favorable à une adhésion du Monténégro à l'UE, s'était cependant opposé à l'entrée du pays dans l'Otan l'année dernière. Ce n'est pas le cas de la sociale-démocrate Draginja Vuksanovic, l'une des rares opposantes pro-occidentales qui arrive troisième, avec 8 % des voix. Aucun des quatre autres prétendants à la présidence du pays ne passe la barre des 5 % des suffrages. «Les candidats qui soutiennent l'adhésion du Monténégro à l'Otan sont clairement plébiscités», analyse Zlatko Vujovic, le directeur du Centre de surveillance et de recherche (Cemi), une ONG de Podgorica, la capitale du pays.
Virage à l’Ouest
Le président élu a réagi en promettant de faire de ce petit pays balkanique de quelque 660 000 habitants, à majorité orthodoxe et indépendant de la Serbie depuis 2006, un membre de l'Union européenne. Le Monténégro est candidat à l'adhésion depuis 2012. Cette élection montre, selon celui qui se pose en artisan de l'arrimage du Monténégro à l'Ouest, «la résolution» des Monténégrins «à poursuivre dans cette voie». «Je suis convaincu que nous ne manquerons pas de répondre aux attentes des citoyens et que cette étape sera franchie dans les cinq prochaines années.» Une stratégie payante pour Djukanovic dans ce pays qui paraît encore divisé entre «monténégristes» pro-Occidentaux d'une part et pro-Serbes et pro-Russes d'autre part. Se posant en garant d'un Monténégro multiethnique, il a bénéficié d'un vote massif des minorités albanaise, bosniaque et croate du pays, soit 15 % du corps électoral. D'ailleurs, le président kosovar, Hashim Thaci, a été le premier à le féliciter sur son compte Twitter, dès dimanche soir.
Congratulations to my old friend Milo Djukanovic on his victory in #Montenegro. This is a victory for the Montenegro but also for the entire region that aspires @NATO and EU integration. Looking fwd to years of cooperation in ensuring this future for our two peoples. 🇽🇰🇲🇪🇪🇺
— Hashim Thaçi (@HashimThaciRKS) April 15, 2018
Mladen Bojanic, pour sa part, a déclaré être «fier» de son score. Il demande aux «électeurs de l'opposition à ne pas vivre ces résultats comme une défaite». «Vous savez qui nous avons eu pour adversaire – un homme qui a capturé l'Etat et toutes les institutions. Je continuerai à me battre pour libérer le Monténégro de Djukanovic et de sa dictature.» L'opposition a dénoncé tout au long de la campagne la corruption et le népotisme qui gangrènent le Monténégro comme le reste des Balkans, mais aussi de supposés liens entre Djukanovic et le crime organisé. Selon les analystes, avec l'élection de l'homme fort du pays, le poste de président de la République, jusqu'ici honorifique, devrait se muer en un réel siège de pouvoir.