Plus que tout autre dirigeant de la planète, Emmanuel Macron murmure, paraît-il, à l'oreille de Donald Trump. Mais ce dernier l'écoute-t-il ? L'expiration, le 12 mai, de l'ultimatum fixé par le président américain sur l'accord nucléaire avec l'Iran, qu'il promet de quitter si les «terribles lacunes» du texte ne sont pas corrigées d'ici là, apportera un élément de réponse. «Il ne faut pas que toute la visite d'Etat tourne autour de l'Iran», souligne-t-on à l'Elysée, tout en admettant que dans le «contexte très sensible» créé par l'échéance de Trump, le dossier iranien sera, forcément, «dans tous les esprits».
Dans cette course contre la montre pour sauver l'accord de juillet 2015, France, Grande-Bretagne et Allemagne - les trois signataires européens, aux côtés de la Russie, de la Chine, des Etats-Unis et de l'Iran - se retrouvent en première ligne. Depuis février, des diplomates de ces trois pays négocient de manière «très intense» avec leurs homologues américains. Objectif, explique l'Elysée d'une tournure très macronienne : «Trouver un terrain d'entente qui puisse préserver à la fois ce que nous souhaitons, à savoir le maintien de Washington dans l'accord nucléaire, et en même temps apporter les garanties nécessaires au président américain.»
Urgence. La mission semble presque impossible. Alors que Trump souhaiterait un accord «complémentaire» incluant le programme balistique de l'Iran et ses activités militaires dans la région (Irak, Syrie, Liban, Yémen), Téhéran rejette tout élargissement des négociations, exhorte les Etats-Unis à respecter leurs engagements et met en garde les Européens contre «la tentation de jouer le même jeu que les Américains». Pour ne rien arranger, le nouveau conseiller de Trump à la sécurité nationale, John Bolton, et le secrétaire d'Etat, Mike Pompeo, n'ont jamais caché leur exécration de l'accord conclu par l'administration Obama.
Dans ce contexte, la relation très personnelle nouée entre Macron et Trump (lire ci-contre) peut-elle infléchir la position de la Maison Blanche ? La tenue en novembre des élections de mi-mandat aux Etats-Unis, le fait que le milliardaire ait toujours qualifié l'accord iranien de «pire accord jamais signé» par les Etats-Unis, et qu'il ait toujours agi politiquement pour satisfaire sa base, semblent plutôt indiquer le contraire. Signe de l'urgence à (re)nouer le dialogue, Angela Merkel se rendra à son tour à Washington la semaine prochaine, juste après Emmanuel Macron. Mais la chancelière allemande ayant une relation glaciale avec Donald Trump, le mince espoir de sauver l'accord nucléaire repose surtout sur les épaules du président français. «Notre conviction, ce qu'on essaie de prouver aux Américains, c'est qu'il n'y a pas de plan B. Qu'il faut absolument tenir dans l'accord, quitte à travailler par ailleurs au renforcement des autres dimensions qui touchent à la sécurité régionale. Sinon on risque de créer une zone de non-droit à la nord-coréenne en plein Moyen-Orient», explique-t-on à l'Elysée.
Risque. Emmanuel Macron endossera-t-il le costume de sauveur ? Ce ne serait sans doute pas pour lui déplaire, lui qui clamait, en août 2017 dans son discours aux ambassadeurs, sa volonté de replacer la France, «puissance grande par ses ambitions, ses idéaux et ses espérances» au cœur de «la marche du monde».
Le pari comporte toutefois un risque, estime Jeff Lightfoot, chercheur à l'Atlantic Council : «L'échec de Macron à obtenir des résultats positifs de la part de Trump pourrait affaiblir le prestige du président français sur la scène internationale», en donnant l'image d'un dirigeant «ignoré ou marginalisé par les Etats-Unis». Un risque balayé par l'entourage du Président : «Cette relation [entre Emmanuel Macron et Donald Trump, ndlr] ne peut pas être un échec. Le seul échec, ce serait de ne pas avoir réussi à instaurer cette confiance et ce respect mutuel.»