Donald Trump a justifié le 13 avril les frappes de la coalition en Syrie en réponse aux attaques chimiques sur Douma, comme une attaque contre le «monstre» Bachar al-Assad. Les Etats-Unis ont reproché, une énième fois, à l'Iran son soutien au régime de Damas, le président américain déclarant même «quel genre de nation veut être associé avec un tueur de masse d'hommes, de femmes et d'enfants innocents ?».
Ces représailles envers le régime syrien, reflètent pour certains analystes iraniens «l'hypocrisie» et la «duplicité» de la politique extérieure américaine. Et pour cause, le souvenir de la guerre Iran-Irak est loin d'être atténué dans le pays. Entre 1980 et 1988, alors que l'Irak tente de contrôler les zones pétrolières en Iran et de restreindre la propagation du chiisme, Saddam Hussein fait usage d'armes chimiques. Ces bombardements contre les forces iraniennes et la population civile feront, selon l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), plus de 7500 morts, bien que l'Irak soi à cette époque signataire du protocole de Genève, interdisant l'utilisation d'armes chimiques.
Soutien américain
Pour Reza Nasri, expert en droit international et analyste en politique international né en Iran, les Etats-Unis ont «aidé et encouragé» l'Irak à commettre ces «crimes de guerre». Un document déclassifié de la CIA datant du 23 mars 1984, démontre que le gouvernement américain avait connaissance de l'utilisation répétée d'agents nerveux par l'Irak et même des effectifs chimiques en leur possession, détaillant même qu'à une capacité maximale, l'Irak pourrait produire 250kg de bombes par jour. Un autre document, daté du 28 janvier 1986, indiquait leur connaissance d'un rapport selon lequel une entreprise ouest-allemande avait aidé l'Irak à établir une usine produisant l'agent chimique létal, Tabun. Ronald Reagan, président des Etats-Unis à l'époque, soutenant l'Irak lors de cette guerre, avait alors choisi de ne pas intervenir. Le rapport estimait même que ces attaques pourraient obliger l'Iran à revoir sa stratégie de guerre et menacer directement l'ayatollah Khomeini.
Dans autre document du Conseil de sécurité de l'ONU daté de mars 1986, les inspecteurs qui se sont rendus en Iran ont qualifié de «désolant» le nombre de victimes chimiques et l'étendue de leurs blessures et que les attaques se poursuivent «à une échelle plus intense que celle utilisée auparavant». Selon les Iraniens, les États-Unis auraient alors usé de leur influence au Conseil de sécurité de l'ONU pour bloquer toute condamnation de l'Irak, malgré les preuves présentées par les inspecteurs.
Ce soutien américain à l'Irak lors de ces attaques chimiques fait aujourd'hui grincer les dents des Iraniens qui estiment n'avoir aucune leçon à recevoir de la part des Etats-Unis. Au lendemain des bombardements en Syrie, l'Iran mettait en garde contre les «conséquences régionales» des frappes. «Les États-Unis et leurs alliés, sans aucune preuve et avant même une prise de position de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques [OIAC] ont mené cette action militaire […] contre la Syrie et sont responsables des conséquences régionales de cette action aventuriste», a déclaré le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères. Toujours selon eux, ces bombardements constituent «une violation flagrante de la loi internationale» et «méprisent la souveraineté de la Syrie». Le guide iranien Ali Khamenei a lui qualifié de «criminels» Donald Trump, Emmanuel Macron et Theresa May.