Ils se courtisaient depuis les législatives du 4 mars : la Ligue et le Mouvement Cinq Etoiles (M5S) pourraient sceller leur alliance dans les prochains jours et donner naissance au premier gouvernement antisystème en Italie et en Europe.
Après plus de deux mois d'impasse politique, Silvio Berlusconi a en effet cédé à la pression de son allié d'extrême droite. Mercredi soir, il a accepté de se mettre en retrait et de ne plus s'opposer à la volonté de Matteo Salvini de prendre ses distances de la coalition de droite radicale qui est sortie en tête des élections (37 % des suffrages) pour former un exécutif avec les Cinq Etoiles. Dans un bref communiqué, l'ancien Premier ministre, patron de Forza Italia, a indiqué : «Si une autre force politique de la coalition de droite veut assumer la responsabilité de former un gouvernement avec les Cinq Etoiles, nous prendrons acte de ce choix avec respect.»
Les deux dirigeants de la Ligue et du M5S se sont rapidement mis autour d'une table et ont indiqué, dès jeudi, matin qu'ils avaient effectué des «pas significatifs» pour parvenir à un accord.
Ce déblocage soudain est intervenu alors que, lundi soir, le président de la République, Sergio Mattarella, constatant l'impossibilité de dégager une majorité au Parlement en raison de vetos croisés, avait prévu de nommer un gouvernement provisoire, «politiquement neutre» pour gérer le pays jusqu'en décembre. Mais la Ligue et le M5S, qui ensemble disposent de plus de 50 % des sièges dans les deux Chambres, s'étaient immédiatement opposés à cette solution et avaient demandé des élections anticipées. Face à cette situation et alors que Forza Italia est en chute dans les sondages et que plusieurs de ses lieutenants semblaient prêts à passer dans les rangs de la Ligue, Silvio Berlusconi s'est résigné à laisser Matteo Salvini faire cavalier seul.
Forza Italia a précisé qu'il ne votera pas la confiance à l'éventuel gouvernement tout en maintenant les alliances avec la Ligue au niveau local. «Qu'ils tentent de faire un gouvernement, personne ne pourra nous utiliser comme alibi face à l'incapacité de trouver un accord entre forces politiques très diverses», a lâché Berlusconi, qui mise sur la difficulté de la Ligue et des Cinq Etoiles à mettre réellement sur pied une équipe.
Les deux formations populistes ont en effet des propositions difficilement compatibles. Les Cinq Etoiles, qui ont obtenu leurs meilleurs scores dans le Mezzogiorno, veulent par exemple lutter contre la pauvreté avec l’introduction d’un revenu de citoyenneté alors que la Ligue mise sur une baisse des impôts comme le réclament les petits patrons du nord du pays, qui constituent le cœur de son électorat.
Les deux formations vont devoir se mettre d'accord sur le nom du futur Premier ministre et rassurer les marchés financiers et les partenaires de l'Italie. Lors d'un colloque sur l'Europe, le Président, Sergio Mattarella, a mis les deux prétendants en garde : «Les solutions souverainistes sont aussi séduisantes qu'inapplicables. […] Aucun des grands défis auxquels notre continent est exposé ne peut être affronté par un membre de l'Union européenne isolément.»