On la croyait éradiquée depuis vingt ans en Serbie, et voilà qu’elle fait son retour en force. En moins de six mois, la rougeole a déjà fait quinze victimes. Selon l’Institut national de santé publique (IZJSZ), plus de 5 000 cas ont été enregistrés sur le territoire depuis octobre. Des foyers qui s’étaient déjà manifestés au Kosovo se sont dans un premier temps multipliés autour de Nis, une ville du sud-est. Un premier décès a été constaté fin décembre : celui d’un homme de 30 ans mort des suites d’une inflammation pulmonaire.
La contagion a fait des progrès rapides : à Belgrade, plus de 1 600 personnes ont été infectées. A Nis, l’hôpital a enregistré cinq morts. Au niveau national, le dernier décès recensé est celui d’un bébé de 11 mois, mi-avril.
Le phénomène occupe une bonne place dans le débat public en Serbie ces derniers mois, avec l'implication de diverses personnalités. Ainsi, Ana «Konstrakta» Djuric, une des chanteuses de la formation belgradoise de néosoul balkanique Zemlja Gruva, touchée par la maladie, a témoigné : «J'ai d'abord éprouvé de la colère, puis de la peur. Je ne sais pas comment j'ai attrapé le virus, peut-être dans les transports en commun.» Elle est née en 1978. Comme beaucoup de nourrissons à l'époque en Yougoslavie, elle n'a reçu qu'une seule dose de vaccin, au lieu de deux, ce qui l'a rendue vulnérable.
En Serbie, la vaccination est obligatoire depuis 1971. La dernière épidémie de rougeole remonte à 1997, quand 4 000 personnes ont été touchées. Depuis, le virus semblait avoir été endigué. Selon l'IZJSZ, 95 % des patients sont «non ou mal» vaccinés. «Grâce aux succès de la vaccination, les parents ont cru que la rougeole était désormais inoffensive, explique Vesna Trifunovic, chercheuse à l'Institut d'ethnographie SASA. Le vaccin obligatoire était un acquis de la Yougoslavie. Il a été remis en question quand le système s'est écroulé.» En six mois, face à l'épidémie, les demandes de vaccins rougeole-oreillons-rubéole (ROR) ont doublé. Fin mars, la Première ministre, Ana Brnabic, a fini par enjoindre les citoyens à «écouter les médecins et faire preuve de responsabilité».
Depuis octobre, le tribunal correctionnel de Belgrade a condamné une cinquantaine de parents qui avaient refusé de faire vacciner leurs enfants. En tout, plus de 500 plaintes ont été déposées, notamment par un groupe de 270 citoyens. Le gouvernement se veut toutefois rassurant : «94,3 % des enfants de moins de 14 ans sont actuellement vaccinés», a souligné la Première ministre. L'objectif 2020, selon les normes de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), est de maintenir une couverture de 95 %.