«Bonjour, monsieur Draghi, comme vous le savez mieux que personne, nous avons un petit problème de dette publique en Italie. Au bas mot 2 300 milliards d’euros, 131 % du PIB. Alors si vous pouviez immédiatement nous annuler, disons 250 milliards d’euros, ça nous arrangerait.» C’est en substance ce que le Mouvement Cinq Etoiles (M5S) et la Ligue s’apprêteraient à expliquer au président de la Banque centrale européenne - et ancien gouverneur de la Banque d’Italie -, Mario Draghi.
Selon le «contrat pour un gouvernement de changement» de 39 pages, daté du 14 mai et publié mardi soir par le Huffpost italien, les leaders des deux partis, Matteo Salvini et Luigi Di Maio, réfléchiraient à une telle initiative, notamment pour financer leurs projets de dépenses (baisses des impôts, revenu de citoyenneté…). «Cela risque d'alimenter, surtout à l'étranger, les stéréotypes sur les Italiens qui ne respectent pas leurs engagements», a immédiatement taclé le très austère économiste et ancien président du Conseil Mario Monti.
A la suite des révélations du Huffpost, la Ligue et le M5S ont admis que le document était authentique mais qu'il s'agirait d'une «vieille ébauche». Dans un communiqué, ils assurent en outre que cette version est «dépassée», qu'elle a été «amplement modifiée».
Les milieux financiers commencent en tout cas à perdre patience. Le «spread» entre l'Italie et l'Allemagne, c'est-à-dire l'écart entre les taux d'intérêt des deux pays, a recommencé à croître devant la perspective d'un gouvernement Cinq Etoiles-Ligue versatile, eurosceptique et aux propositions fantasques. «C'est la plus énorme accumulation d'absurdités économiques jamais écrite de mémoire d'homme», est allé jusqu'à lâcher le ministre du Développement économique, Carlo Calenda, à propos du projet programmatique. La Ligue et le M5S ont en tout cas indiqué que l'accord de gouvernement était sur le point d'être signé.