Le virus Nipah vient de faire son apparition à la pointe sud de l'Inde. Dans la région du Kerala, au moins dix personnes infectées sont mortes en deux semaines et une centaine d'autres ont été placées en quarantaine. Encore peu connu en Europe, Nipah est très surveillé par les scientifiques en Asie. Comme Ebola ou Zika avant lui, il fait partie des maladies mortelles émergentes.
Qu’est-ce que le virus Nipah ?
C'est une maladie transmissible des animaux à l'homme, mais aussi entre animaux et entre hommes. Le virus a été identifié lors d'une grosse épidémie en 1998 et 1999 en Malaisie. Des élevages porcins infectés ont transmis la maladie aux humains. Le premier cas a été détecté à Kampung Sungai Nipah, village qui a donné son nom au virus. Les cochons avaient eux-mêmes été contaminés en mangeant des fruits croqués par des chauves-souris frugivores, hôtes naturels du virus.
Au niveau des symptômes, la maladie peut se manifester de deux manières chez l'être humain. Soit par des encéphalites (fièvre, maux de tête, voire comas), soit par un syndrome respiratoire (insuffisance respiratoire). Le virus Nipah est mortel dans environ 70 % des cas. Il a coûté la vie à plus de 260 personnes en Malaisie, au Bangladesh (pays le plus touché) et en Inde depuis 1998.
Comment se transmet-il à l’homme ?
Le virus est à l'origine porté par des espèces de chauve-souris qui mangent des fruits. C'est plus précisément via leur salive et leur urine qu'il peut y avoir transmission. Dans les cas les plus fréquents en Asie, et très certainement dans le cas actuel de l'Inde, l'épidémie provient d'une contamination du jus de palme, boisson sucrée appréciée des populations locales.
Pour collecter cette sève, on perce le tronc du palmier et on la récupère dans un grand pot en terre cuite. La récolte a lieu le lendemain matin. «Les chauves-souris viennent dans la nuit et boivent ce jus de palme. S'il est ingéré frais le matin par les humains, ils peuvent être contaminés», détaille Julien Cappelle, écologue de la santé au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). Il a mené des recherches au sein de l'Institut Pasteur au Cambodge de 2012 à 2016 pour mesurer le risque d'émergence du virus chez l'homme dans ce pays. Un individu infecté transmet ensuite le virus, soit à sa famille, soit au personnel soignant durant son hospitalisation. En Inde, parmi les premiers morts de ces dernières semaines, figurent plusieurs membres d'une même famille et une infirmière qui les a soignés.
Comment limiter le développement du virus ?
Il n'existe pas de vaccin à ce jour, même si des recherches sont actuellement menées. «Aucun vaccin n'a été jusqu'aux essais clinique pour l'instant», précise Frédéric Tangy, responsable de l'unité de Génomique virale et vaccination à l'Institut Pasteur. Les programmes de recherche, très coûteux (compter un milliard d'euros pour développer un vaccin) ne peuvent compter que sur le financement d'institutions ou de fondations. «Ça coince au niveau des industriels des vaccins car le marché est trop petit.» Autrement dit, le nombre de personnes touchées par le virus est trop faible pour que le financement d'un vaccin soit rentable.
Des systèmes de protection simples peuvent éviter la transmission du virus des chauves-souris à l'Homme. Par exemple, des jupes en bambou pour protéger l'ouverture des pots pendant la collecte. «Il faut aussi comprendre comment les personnes perçoivent les chauves-souris et le risque de maladie. Nous devons mener un travail de sensibilisation de la population», ajoute l'écologue de la santé Julien Cappelle. Les cas de contamination de l'homme sont aussi davantage fréquents car les chauves-souris sont perturbées par les activités humaines. La déforestation, pour la plantation de palmiers, les chasse de leur habitat naturel et augmente le contact avec les êtres humains.
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Peut-on craindre une épidémie de l’ampleur d’Ebola ?
Nipah est comparable à Ebola dans le sens où l'origine du virus est animale et que les humains peuvent se le transmettre. Cependant, l'ampleur et le nombre de victimes restent aujourd'hui très limités : Ebola a fait 11 000 morts depuis 2014 en Afrique de l'Ouest selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), contre quelques centaines au total pour Nipah en Asie. On ne peut pas non plus parler d'expansion, même si cette partie de l'Inde est touchée pour la première fois. «On reste dans la zone à risque qui recouvre l'Inde, le Bangladesh, toute l'Asie du Sud -Est (Thaïlande, Cambodge, Malaisie) et l'Océanie. Elle correspond aux lieux où on a détecté des espèces de chauve-souris qui peuvent être porteuses du virus», précise Julien Cappelle. Il reconnaît cependant que comme Nipah, Ebola a d'abord touché de petits foyers, jusqu'à la grande épidémie de 2014. Les scientifiques sont conscients que le même scénario pourrait se répéter avec Nipah : «On peut craindre qu'une des souches du virus soit un jour un peu plus adaptée à l'homme et qu'elle permette une meilleure transmission», conclut Julien Cappelle.