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Libération

Nucléaire iranien : en Russie, Macron avance des convergences avec Poutine

par Alain Auffray (à Saint-Petersourg)
publié le 25 mai 2018 à 20h36

Secoué par la contestation sociale sur le territoire national, Emmanuel Macron défend énergiquement, depuis Saint-Pétersbourg, son bilan sur la scène internationale. Après deux jours en Russie marqués par deux échanges avec le président Vladimir Poutine - un long entretien jeudi suivi vendredi d’un échange à la tribune du Forum économique de la métropole russe -, le chef de l’Etat, relayé par son entourage, se félicite des initiatives diplomatiques de ces douze derniers mois.

Le déplacement de cette semaine, le 46e depuis le début du quinquennat, serait une nouvelle démonstration de l'efficacité de la méthode Macron. La preuve ? Poutine, interlocuteur réputé coriace, aurait manifesté «des signes d'ouverture» inespérés sur plusieurs sujets, notamment sur les dossiers iranien et syrien. «Hier soir, on a convaincu les Russes. Honnêtement nous pensions que ce serait difficile», confiait vendredi à la presse un conseiller de l'Elysée. Sans surprise, Paris et Moscou ont affirmé leur volonté commune de préserver l'accord sur le nucléaire iranien, malgré la décision de Donald Trump de retirer sa signature et de sanctionner les entreprises qui iraient investir en Iran.

La bonne surprise, ce serait qu'au-delà de ce point, Paris estime avoir su convaincre Moscou de la nécessité de «compléter» cet accord signé en 2015 avec Téhéran par les cinq membres du Conseil de sécurité ainsi que l'Allemagne. Compléter l'accord, ce serait ouvrir de «nouvelles négociations» sur trois points : la non-prolifération après 2025, les armes balistiques iraniennes et l'activité de Téhéran au Moyen-Orient. De fait, Poutine a confirmé qu'il «saluait cette approche», à condition de ne pas faire de ces nouvelles négociations «la condition» du maintien dans l'accord de 2015. «Je ne propose pas de renégocier l'accord pour l'élargir. Je propose de le compléter», l'a rassuré Macron, s'efforçant de lever ainsi l'ambiguïté de la position qu'il avait défendue à Washington. En avril, beaucoup avaient compris que c'était bien une «renégociation» que Macron essayait de vendre au président américain, dans l'espoir de le faire changer d'avis. A Moscou comme à Téhéran, l'initiative avait été sèchement écartée.

Vendredi soir, avant de s'envoler pour Paris, Macron a voulu répondre, dans un entretien à BFM TV, à ceux pour qui sa récente escapade à Washington fut un fiasco diplomatique. Au contraire, proteste-t-il : la France est «écoutée» puisque tous les pays européens, et désormais la Russie, sont alignés sur sa position sur le dossier iranien. «Si nous n'étions pas écoutés, il y aurait peut-être aujourd'hui la guerre au Liban» a risqué le Président.

Ce ralliement supposé ne serait-il pas surtout, pour Poutine, un moyen d'enfoncer un coin dans la solidarité occidentale ? «La Russie est un pays sérieux. On ne prétend pas que tout est réglé. Mais on avance, on crante, c'est cela la diplomatie», répond l'Elysée. Le chef de l'Etat, lui, n'en démord pas. «Je crois très profondément que la Russie a son histoire et son destin dans l'Europe», a-t-il lancé vendredi soir, avant de filer au théâtre Mariinsky pour un spectacle en hommage au célèbre chorégraphe Marius Petipa, marseillais de naissance et russe d'adoption.