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Libération
Reportage

Référendum sur l'avortement : vote en masse à Dublin et en Irlande

Les premières estimations donnent une très forte participation pour ce vote sur la libéralisation de l'avortement.
Une partisane du «oui» au référendum, à Dublin, le 25 mai. (Photo Max Rossi. Reuters)
publié le 25 mai 2018 à 18h14

Pour voter, les électeurs se déplacent en masse vers Dublin. Dans la direction opposée à celle des voyages solitaires et parfois tragiques de ces milliers d’Irlandaises qui, chaque année, franchissent la frontière de leur pays pour aller ailleurs, pour y recevoir l’assistance, les soins que l’Irlande leur a, jusqu’à présent, refusés. Pour avorter. Ce vendredi de mai radieux, on vote partout dans la république d’Irlande. A la mi-journée, les premières estimations donnaient un taux de participation élevé, plus élevé qu’en 2015 pour le référendum sur le mariage pour tous qui avait déjà atteint un record, avec 61% d’électeurs qui s’étaient déplacés aux urnes.

Ils sont 3,3 millions d'Irlandais à pouvoir voter et décider de supprimer ou pas le huitième amendement de la constitution qui, de fait, interdit l'avortement en Irlande, y compris en cas de viol, inceste ou malformation fœtale fatale. Certains sont venus de loin, juste pour ce scrutin. L'avion, en provenance de Londres, était plein en ce vendredi matin et plusieurs jeunes femmes portaient fièrement un sweat-shirt noir barré du mot «Repeal» (Supprimez), le slogan de campagne du oui en faveur de la libéralisation de l'avortement. Rowena, elle, vient d'atterrir en provenance de Madrid. «Je savais qu'il fallait que je sois là, c'est trop important», explique-t-elle dans le bus qui l'emporte vers le centre de Dublin. «J'ai peur, j'ai très peur que ce soit serré et c'est pour cela que je suis venue, pour voter oui.» Elle raconte sa maman, de Galway, à l'extrême ouest du pays, qui, «très religieuse et à 72 ans va voter "yes", pour moi et ses petites filles. Mais du coup, elle s'est fâchée avec plein d'amies qui vont voter non». Elle marque une pause et soudain son beau regard vert s'embue de larmes. «C'est un moment tellement fort, émotionnellement.»

«Fin de la mainmise de la religion catholique»

Le long de la rivière Liffey, les terrasses sont pleines. Des enfants s'amusent à plonger tout habillés, ou en combinaison de plongée, dans l'eau. Dégoulinants, ils repartent en riant sur leurs vélos. Les badges «Yes» ou «Tà» (oui en gaélic), sont visibles partout. Pas ceux qui vantent le «non». Un homme passe, sa veste de costume est agrafée d'un badge qui dit «a voté oui». Laura, 40 ans, et Jessica, 35 ans, sont hilares sous le soleil resplendissant. Elles ont fait l'ouverture des bureaux, à 7 heures du matin. «Ça fait trop longtemps, on ne devrait même pas avoir à voter sur une question pareille, sur le choix d'une femme à décider», explique Laura, qui «espère mais pense que ce sera serré». «Ces dernières années, l'Irlande a accompli un long chemin en une très courte période de temps, je crois que ce vote est le dernier obstacle, la fin de la mainmise de la religion catholique sur l'Irlande», ajoute Jessica. «Bon, il restera juste les écoles qui sont toujours en majorité catholiques !» rigole Laura.

«Scoil Chaoimhin» est le nom, en gaélique, d'une école primaire de Marlborough Street, au nord de Dublin, pas très loin des rues bordées de magasins et de parloirs de tatouages. Et de la cathédrale St Mary's Pro. Ce vendredi, l'école a été transformée en bureau de vote. Le flot des électeurs est constant. Une policière de la Garda guette à l'entrée, fait attention qu'aucun membre d'un camp ou de l'autre ne tente d'influencer le vote. La policière a déjà voté, «mais je ne vous dirai certainement pas quoi». Après quelques instants, elle glisse que «ce vote est très très important». A la sortie, les oui sont une majorité. Certains refusent catégoriquement de confier leur choix. Pas Steven, barbe rousse et 24 ans, qui retourne travailler en courant. «J'ai voté un gros oui ! C'est fini, on ne vit plus au Moyen-Age pour dire à une femme ce qu'elle doit faire de son corps !»

«Trop libéral, trop vite»

Samantha, 36 ans, n'est pas d'accord. «J'ai voté non. Je n'ai rien contre offrir une assistance dans des cas tragiques, mais la loi proposée, sans limites jusqu'à 12 semaines, c'est trop, trop libéral, trop vite», explique-t-elle. A ses côtés se tient sa fille, 17 ans, handicapée. Elle n'en dira pas plus.

Les bureaux de vote resteront ouverts jusqu’à 22 heures locales (23 heures en France) et des estimations de sortie des urnes devraient être publiées juste après la fin du scrutin. Les résultats définitifs et officiels ne seront connus que samedi après-midi.