Chaque mois, Libération fait le point sur les histoires qui ont fait l'actualité des femmes, de leur santé, leurs libertés et leurs droits. Trente-troisième épisode : mai 2018. Si vous avez manqué l'épisode précédent, il est ici (et tous les autres sont là).
Santé
Un lieu d’hygiène réservé aux femmes SDF en projet à Paris
Ils sont censés être mixtes, mais sont en réalité majoritairement masculins. La quarantaine de bain douches municipaux de la capitale ne sont que très peu fréquentés par les femmes sans-abri, selon le Samu social de Paris. Elles craignent de s'y rendre, «à cause de la mixité de ces lieux, et de leur fonctionnement peu adapté aux femmes à la rue et à leur besoin d'intimité», explique l'association. Quant au seul accueil de jour dédié aux femmes, il ne compte qu'une seule douche. Le Samu social de Paris a donc lancé une campagne de financement participatif pour créer, dans des locaux prêtés par la mairie, un lieu d'hygiène, de santé et de bien-être entièrement dédié aux femmes sans-abri. Pour qu'elles puissent «prendre une douche, laver leur linge, avoir des conseils auprès des médecins», bref «retrouver de la dignité» en vue d'un «début de sortie de rue», explique Elina Dumont, comédienne et ancienne SDF, dans une vidéo qui présente le projet. Plus de 45 000 euros ont déjà été recueillis. Les dons supplémentaires permettront notamment de financer des distributions de vêtements et de produits (notamment des protections hygiéniques, dont manquent cruellement les femmes précaires).
En mai, l'Iowa a adopté la loi anti-IVG la plus restrictive des Etats-Unis, le Royaume-Uni a découvert qu'un bug avait pu précipiter le décès de 270 femmes privées de mammographies et un spot en faveur du dépistage des cancers gynécologiques a été diffusé. Libération a aussi consacré un dossier à l'alcoolisme féminin. L'industrie de l'alcool met tout en œuvre pour attirer un public féminin toujours plus jeune, et les femmes alcooliques ont du mal à faire la démarche de consulter. Les Irlandais·e·s ont aussi massivement dit oui à la libéralisation de l'avortement, alors que les femmes ayant recours à une IVG encouraient jusque-là jusqu'à 14 ans de prison. Libération a établi une carte de l'accès à ce droit dans le monde.
Sexisme ordinaire
Tour de France : bientôt la fin des hôtesses sur le podium ?
Vêtues de robes jaunes assorties au maillot du vainqueur, elles l'embrassent et lui offrent des fleurs, tout sourire, devant des millions de téléspectateurs. Cette image pourrait bientôt appartenir au passé. La Ville de Paris veut dire adieu à ces hôtesses «jeunes et jolies» qui félicitent le vainqueur du Tour de France, à l'issue de la compétition cycliste, sur les Champs-Elysées. Cette pratique est la «marque de la permanence d'un stéréotype sexiste dont on ne veut plus en 2018», a lancé début mai Fadila Mehal, conseillère La République en marche, en présentant ce «vœu» voté au Conseil de Paris. Il «n'est plus acceptable que les femmes restent encore associées à des rôles de potiches», estime l'élue citée par l'Agence France-Presse
Pour Hélène Bidard, adjointe PCF en charge de la lutte contre les discriminations auprès d'Anne Hidalgo, cette «représentation d'une autre époque» cantonne les femmes «à un rôle de faire-valoir», et donne une image rétrograde de la France, l'image étant ensuite reprise «dans des centaines de pays». La municipalité propose de remplacer les hôtesses par des enfants, comme cela a été fait par exemple sur le Tour Down Under, en Australie. Elle compte interpeller le directeur du Tour, Christian Prudhomme, et l'organisateur, Amaury Sport Organisation. Côté gouvernement, ce n'est pas gagné : interrogée le 16 mai sur France Inter à ce sujet, la ministre des Sports Laura Flessel semblait ne pas être au courant du débat et a estimé qu'il «n'y avait rien de sexiste» à cette pratique. Rappelons qu'au début d'année, le propriétaire de la F1 avait décidé de congédier les «grid girls», ces jeunes femmes qui indiquent l'emplacement des monoplaces au départ des grands prix.
En mai, Libé a aussi relayé une étude sur le sexisme qui tue 239 000 fillettes indiennes par an et rencontré l'animateur Tex, qui défend une répartition genrée des tâches ménagères et accuse les victimes qui prennent la parole de délation. Sinon, la fête des mères a une fois de plus été l'occasion d'un grand festival de clichés sexistes.
Sexe genre corps
Chez Youtube, le corps des femmes n’est pas d’or
Youtube aurait-il un souci avec ce qui touche au corps des femmes ? C'est en tout cas ce que soupçonne l'association Les Internettes, qui accuse la plateforme de démonétiser systématiquement les vidéos ayant trait aux menstruations, à la poitrine féminine ou encore à l'IVG. En clair : de les invisibiliser et d'empêcher les annonceurs de miser dessus. Le 25 mai, l'association qui vise à mettre en avant les Youtubeuses, a lancé un hashtag sur Twitter, #MonCorpsSurYoutube, pour inciter les internautes à partager leur expérience : sont concernées (pêle-mêle) : des vidéos sur le fait d'assumer sa poitrine, quelle que soit sa taille (sans nudité), d'autres sur les prothèses, les coupes menstruelles, voire sur les violences conjugales… Selon le site Pixels, la plateforme ne monétise pas les contenus au «caractère sexuel très prononcé». D'abord passées au crible par un algorithme, les vidéos sont ensuite modérées manuellement. Interrogé par Pixels, Youtube France assume ses règles de modération: «Il existe des vidéos qui respectent le règlement de la communauté YouTube, mais qui ne conviennent pas nécessairement à l'ensemble des annonceurs, explique un représentant. Les vidéos conformes à notre règlement de la communauté peuvent rester sur YouTube.»
Soutiens #MonCorpsSurYouTube, le mouvement de libération des corps féminins porté par @les1ternettes, le YouTube Squad de madmoiZelle et de nombreuses créatrices ! https://t.co/GGkX496w4f pic.twitter.com/qdMaiNL4FI
— madmoiZelle.com (@madmoiZelle) May 25, 2018
En mai, vous avez aussi pu lire en page de der' les portraits de la romancière algérienne Ahlem Mosteghanemi, qui prône l'acceptation du désir des femmes, la travailleuse du sexe berlinoise Hanna Lakomy et Brigitte Lahaie, après ses propos sur le mouvement #MeToo. Libé a aussi rencontré des femmes qui ont vendu leur virginité aux enchères, une pratique qui divise et qui interroge l'évolution du rapport à ce rite de passage. Libération s'est aussi penché sur la grossophobie, à l'occasion de la sortie de «Gros n'est pas un gros mot», par les cofondatrices du collectif Gras Politique, Daria Marx et Eva Bello-Perez.
Violences
Morgan Freeman accusé de harcèlement sexuel
«Nous savions que lorsqu'il venait, nous ne devions pas porter de hauts qui laisseraient voir nos seins, rien de moulant»; «Il me massait le bas du dos» : dans une enquête réalisée par CNN, huit femmes racontent en détail les comportements inappropriés et attouchements dont elles disent avoir été victimes de la part de l'acteur américain Morgan Freeman, qu'elles accusent de harcèlement sexuel et de comportements inappropriés. Ainsi, l'une des victimes se souvient qu'en 2015, l'homme, avec qui elle travaillait sur le tournage de Braquage à l'ancienne, lui avait fait de nombreuses remarques sur sa silhouette, avant de tenter de soulever sa jupe et de lui demander si elle portait des sous-vêtements. Les faits iraient au-delà du milieu du cinéma, puisque trois journalistes pointent elles aussi du doigt des comportements obscènes de l'acteur. L'intéressé, lui, a déclaré dans un communiqué : «Quiconque me connaît ou a travaillé avec moi sait que je ne suis pas une personne qui offenserait ou mettrait quelqu'un mal à l'aise volontairement»; et présenté ses excuses à «toute personne s'étant sentie mal à l'aise ou non respectée», assurant que ce n'était «pas son intention».
En mai, des dizaines de journalistes japonaises se sont mobilisées contre le harcèlement sexuel, l'émission Koh-Lanta a été annulée après une accusation d'agression sexuelle, Spotify a cessé de promouvoir R. Kelly, accusé d'avoir abusé de mineures, dans ses playlists et le projet de loi sur les violences sexuelles a été adopté à l'Assemblée. Libération a aussi publié un reportage sur la condition des femmes en Irak (mariages forcés, polygamie, prostitution déguisée…). Le producteur américain Harvey Weinstein, a été inculpé par la justice de son pays d'un viol et d'une agression sexuelle, mais il a échappé à la prison, entre autres, en échange du paiement d'une caution.
Droits civiques libertés
Cinq «Immortelles» sous la Coupole
Elle succède au musicologue Philippe Beaussant, disparu en mai 2016. La philologue et philosophe Barbara Cassin a fait son entrée début mai à l'Académie française. Helléniste, directrice de recherche au CNRS, Barbara Cassin, 70 ans, est auteure de plusieurs ouvrages sur la traduction et a été, l'an dernier, commissaire d'une exposition au Mucem de Marseille. Avec son élection, (seulement) cinq femmes siègent désormais sous la Coupole, contre 31 hommes. Barbara Cassin rejoint Hélène Carrère d'Encausse, Florence Delay, Danièle Sallenave et Dominique Bona. Elle est la neuvième femme de l'histoire à endosser l'habit vert, 38 ans après l'entrée de Marguerite Yourcenar, rappellent les Nouvelles news, qui espèrent que son arrivée fera bouger la vénérable institution, opposée notamment à la féminisation des titres et fonctions. «Je ne crois pas que l'Académie française développe un rapport à la langue conservateur, ni conservatoire», défend la nouvelle recrue dans une interview au Monde. Sur l'usage de l'écriture inclusive, vue comme un «péril mortel» par l'Académie, Barbara Cassin est partagée : pas convaincue par le point médian, la philosophe n'est en revanche pas contre l'accord de proximité. «Cette évolution-là, qui sera peut-être celle de l'usage, je la trouverais normale et esthétique», dit-elle au quotidien du soir. C'est déjà ça.
Barbara Cassin. Photo Rita Scaglia
En mai, Libé a interviewé la fille adoptive de Simone de Beauvoir à l'occasion de l'entrée de la philosophe dans la Pléiade (malheureusement, le Deuxième Sexe ne fait pas partie des deux tomes prévus), rencontré Jill Liddington, co-auteure d'un ouvrage sur les suffragistes Britanniques, et tiré le portrait de la chanteuse Mennel et de Anna Gabriel, féministe et anticapitaliste qui milite pour l'indépendance de la Catalogne.
Travail
Benedict Cumberbatch refusera de tourner en cas d’inégalités salariales
Elémentaire, à en croire l'acteur britannique qui incarne (entre autres) Sherlock Holmes, dans la série éponyme : une femme n'a aucune raison d'être payée moins qu'un homme. A tel point que l'acteur a fait savoir à Radio Times le 13 mai qu'il refuserait désormais de contribuer à tout projet dans lequel les femmes seraient victimes d'inégalités salariales. Une manière, à l'en croire, de montrer l'exemple : «Regardez les pourcentages puis demandez aux femmes combien elles vont toucher. Et dites : "Si elle n'est pas payée autant que les hommes, je ne le fais pas"», a-t-il déclaré, assurant que sa société de production, SunnyMarch, s'engagerait, elle aussi, en ce sens. Cet engagement fort est intervenu alors même que plus de 80 actrices, réalisatrices, monteuses ou encore productrices ont monté les marches du Festival de Cannes, le 12 mai, pour protester contre les inégalités, notamment financières, dans leur secteur. Quelques jours plus tard, la ministre de Culture, Françoise Nyssen, a annoncé la création d'un fonds d'aide pour les femmes du secteur, sans toutefois davantage de précisions pour le moment.
En mai, vous avez pu lire dans nos pages une interview croisée de Muriel Pénicaud et Marlène Schiappa sur l'égalité salariale, le compte rendu d'un rapport du Défenseur des droits sur le sexisme à l'encontre des avocates et un article sur le congé parental, alors qu'une directive européenne embarrasse Macron.
Education
Puteaux : les princesses roses d’un côté, les chevaliers bleus de l’autre
A droite, un jeu à bascule rose en forme de carrosse. A gauche, un toboggan bleu avec une tour façon château fort. Le «Jardin secret», situé rue Paul-Bert à Puteaux (Hauts-de-Seine), ne fait pas vraiment dans la subtilité. L'aire de jeux, inaugurée il y a quelques semaines, propose aux petites filles de jouer aux princesses et suggère aux garçons de se prendre pour de courageux chevaliers. La séparation entre les deux espaces est marquée par une allée et des grilles, relève dans un billet de blog Christophe Grébert, un élu de l'opposition remonté contre la municipalité de droite de la ville. «Heureusement, les enfants sont plus intelligents que les aménageurs de ce jardin sexiste : ils vont jouer indifféremment dans les deux espaces», note l'élu, qui rappelle que la ville avait déjà distribué des cartables bleus et des kits «construis ton robot» aux garçons et des cartables roses et des kits «créer tes bijoux» aux filles en 2014. La mairie, avec un poil de mauvaise foi, s'est défendue en prétendant que rien ne suggérait que les filles devaient jouer dans l'univers conte de fées, et vice versa. Reste que l'installation reprend les codes du marketing genré, basés sur une différenciation des couleurs par ailleurs totalement subjective, comme l'expliquait Libé l'année dernière.
En mai, Libé a chroniqué, dans sa rubrique Les pages jeunes, deux albums qui invitent les lecteurs à affirmer leurs goûts au-delà des stéréotypes genrés.
Choses lues, vues et entendues ailleurs que dans «Libé»
• Au Japon, Yumi Ishikawa, l'une des rares femmes à avoir osé utiliser le hashtag #MeToo au Japon, a dû faire une croix sur sa carrière de comédienne. Dans l'archipel, l'omerta autour des violences sexuelles perdure et celles qui brisent la loi du silence risquent gros, nous apprend ELLE, dans une enquête édifiante.
• Elles étaient appelées les pétroleuses, ou qualifiées de prostituées. TV5 Monde revient sur le rôle des communardes dans l'insurrection de 1871. Elles étaient environ 10 000, selon Louise Michel, la plus célèbre d'entre elles, racontait Libé il y a quelques années.
• Laure Adler et ses invitées de L'Heure Bleue, dont Christiane Taubira, ont rendu hommage à l'anthropologue Françoise Héritier, disparue le 15 novembre dernier, pendant une semaine. Les épisodes sont accessibles en replay sur le site de France Inter.
• Les hommes ne sont pas les seuls à manifester à la frontière israélienne. De nombreuses Gazaouies défendent la cause palestinienne, «mais en demeurant presque invisibles au niveau décisionnel», raconte le Monde.
• «Suicide-toi», «ferme ta gueule», «chienne», «hystérique», «mal baisée»… Dans une édifiante tribune parue dans le Monde le 24 mai, le collectif Prenons la une dénonce le cyberharcèlement dont sont trop souvent victimes les femmes journalistes.
• Les Terriennes de France 5 se sont intéressées au tabou des agressions sexuelles dans le transport aérien. Même s'il est difficile d'obtenir des données chiffrées fiables, les témoignages se multiplient ces dernières années, à l'image de celui de cette jeune femme, victime au cours d"un vol long-courrier en 2016: «J'ai senti une main dans mon entrejambe, et j'ai réalisé que c'était l'homme à côté de moi. Je l'ai giflé tout de suite, crié "non", sans même penser.»
• «J'ai été violée par Weinstein, ici, à Cannes»: l'actrice Asia Argento, à l'origine des révélations sur le producteur américain, a livré un discours très fort en clôture du festival de Cannes.
• Kee-Yoon Kim, dont Libé avait fait le portrait en 2015, est de retour sur les planches parisiennes. Dans Tropique du panda, l'ancienne avocate devenue humoriste aborde, entre une déclaration d'amour au fromage qui pue et une pique à l'attention de Laurent Wauquiez, la culture du viol et les stéréotypes de genre dont ellle a décidé de s'affranchir. Rendez-vous au théâtre du Gymnase, jusqu'à fin juin.