Depuis le début de son histoire, l'Aquarius est un symbole. Symbole de la main tendue d'une partie de la société civile européenne d'abord, quand politiques et gardes-frontières tentaient de freiner l'afflux des migrants. Symbole du durcissement et du verrouillage de l'Europe ces derniers jours. Symbole, enfin, du cynisme de certains dirigeants du Vieux Continent face à ce sujet qui les a toujours gênés aux entournures. Du ministre italien de l'Intérieur, Matteo Salvini, qui a refusé dimanche de laisser l'Aquarius accoster sur les côtes italiennes, on n'en attendait malheureusement pas moins. Le dirigeant de la Ligue, parti d'extrême droite, est arrivé au pouvoir grâce, notamment, à son rejet des migrants. Du chef de l'Etat français, en revanche, on attendait a minima un peu de décence. Critiqué, y compris dans son propre camp, pour son silence et son inertie depuis que l'Aquarius erre au large des côtes méditerranéennes, Emmanuel Macron n'a rien trouvé de mieux, mardi, que de dénoncer l'irresponsabilité et le cynisme de l'Italie dans cette affaire… tout en rejetant la proposition d'accueil lancée à l'Aquarius par le président du Conseil exécutif de Corse. On a clairement atteint là les limites du «en même temps» macronien, qui devient au fil du temps un grand n'importe quoi. La séquence désastreuse de ces derniers jours montre surtout que l'on est arrivé au bout d'une politique bancale. On ne peut plus faire comme si, on ne peut plus bidouiller des quotas sur un coin de table, on ne peut plus ouvrir et fermer à la fois. Si l'Europe ne veut pas être gangrenée par les nationalismes, si elle ne veut pas imploser et s'autodétruire, si elle veut conserver un minimum ses valeurs d'ouverture et de respect, elle doit d'urgence se reprendre en main et établir des règles claires pour soulager les pays qui saturent et convaincre les autres. Vite, avant que l'indignité ne la gagne.
Billet
«Aquarius» : cynisme
publié le 12 juin 2018 à 21h06
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