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Libération
Chronique «l'âge bêtes»

Les saumons ont chaud aux nageoires

L'espèce de poissons de l'Atlantique Nord subit d'importants déclins dans ses populations sauvages. En cause: l'aquaculture intensive et le réchauffement climatique.
Des saumons pêchés en Alaska. (Photo Andrew Burton. AFP)
publié le 17 juin 2018 à 11h34
(mis à jour le 17 juin 2018 à 11h38)

Fumé, grillé ou en california rolls, le saumon sauvage est prisé et souvent considéré comme un mets de luxe. L’animal aux reflets argentés qui naît et grandit dans les courants d’eau douce et vit sa vie d’adulte dans les océans n’apprécie guère notre passion pour sa chair rosée.

Un rapport annuel de la Fédération du saumon Atlantique (FSA), sorti le 11 juin, note que le nombre de saumons de l'Atlantique en Amérique du Nord a diminué de 15 % en 2017 par rapport à l'année précédente. Cinq des six régions où vivent des saumons d'Amérique du Nord n'ont pas atteint le minimum requis pour la conservation de l'espèce.

«Nous sommes très inquiets du faible nombre de saumons qui retournent en eau douce pour frayer [pondre et féconder les œufs, ndlr], décrit Charles Cusson, directeur des programmes au Québec de la FSA. La mortalité en mer grandit et nous n'en connaissons pas la cause exacte.» Parmi les facteurs suspectés, vient d'abord le réchauffement climatique. L'augmentation de la température des océans cause une remontée vers le Nord de la nourriture et donc des saumons d'Atlantique. Au point qu'ils sont devenus rares le long des côtes du Maine, aux Etats-unis. L'espèce a été classée «en péril» dans les rivières de l'Etat américain et son exploitation interdite.

Le saumon souffre dans sa chair de la montée des températures aquatiques. «C'est une espèce d'eau froide, poursuit Charles Cusson. Le réchauffement rend plus difficile sa survie.»

Autre menace pour ce poisson qui n’hésite pas à remonter jusqu’au Groenland pour chercher les crustacés et petits poissons dont il aime se nourrir : l’aquaculture intensive marine. Leurs comparses d’élevages qui vivent dans des cages au milieu des océans se nourrissent de la même alimentation qui est pêchée sur les routes de migrations des saumons sauvages. De plus, les individus d’élevage arrivent parfois à s’échapper en nombre et partent rejoindre leurs congénères dans les rivières. Or, ces interactions provoquent un affaiblissement du code génétique des saumons sauvages, et diminuent leurs chances de survie.

Le destin du saumon atlantique sauvage n’est pourtant pas assuré d’être funeste. Les pêcheurs du Groenland (qui possèdent pourtant des droits ancestraux de pêche), la FSA et le North Atlantic Salmon Fund viennent de se mettre d’accord pour cesser la pêche commerciale pour les douze prochaines années. Charles Cusson espère que ce laps de temps permettra à l’aquaculture sur terre en circuit fermé de prospérer. Une méthode bien moins néfaste de remplir nos assiettes.

Autre bonne nouvelle pour les saumons d’Amérique du Nord. Le 11 juin, la Cour suprême des Etats-Unis, la plus haute instance judiciaire du pays, a donné raison aux Amérindiens Swinomish de l’Etat de Washington. A cause de travaux d’infrastructures, les populations du poisson y ont fortement diminué. La Cour a alors garanti le droit aux saumons à remonter les cours d’eau. Les Swinomish espèrent revoir bientôt leurs reflets argentés animer leurs cours d’eau.