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Histoire

Familles immigrées séparées : Melania Trump ajoute sa voix au concert de critiques

Depuis mi-avril, 2 000 enfants ont été envoyés en centre de rétention après l’arrestation de leurs parents à la frontière. Face au tollé, auquel la First Lady a participé, le Président rejette la faute sur les démocrates.
publié le 18 juin 2018 à 20h56

Elle nous avait habitués à garder le silence, campée dans l'ombre d'un président américain omniprésent. Lorsque l'affaire Stormy Daniels a éclaté, la première dame a soigneusement évité tout commentaire sur cette ex-actrice porno qui aurait été payée pour taire son aventure avec son mari. Ses absences récentes au G7 et au sommet Kim-Trump de Singapour ont elles aussi été remarquées et commentées. Mais avec le tollé provoqué par la décision de l'administration Trump de séparer les enfants des parents parmi les familles qui franchissent illégalement la frontière des Etats-Unis, la First Lady est sortie de sa réserve. Et a choisi de s'exprimer par la voix de Stephanie Grisham, sa directrice de communication, interrogée dimanche sur CNN : «Elle pense que nous devons être un pays qui respecte toutes les lois mais aussi un pays qui gouverne avec le cœur.» Selon elle, Melania Trump a ajouté «détester voir des enfants séparés de leur famille et espérer que les deux camps du Congrès pourront enfin tomber d'accord pour faire aboutir une réforme réussie de l'immigration.»

Une déclaration qui va à l’encontre de la politique mise en œuvre par son époux : celle de la «tolérance zéro» initiée en avril par le sulfureux ministre de la Justice, Jeff Sessions, défenseur d’une ligne dure sur l’immigration. L’administration américaine a révélé vendredi que ces nouvelles dispositions avaient conduit depuis mi-avril 2 000 enfants à être séparés de leurs parents, arrêtés pour être entrés clandestinement sur le sol américain.

«Bébé arrachés». Face aux réactions indignées qui s'accumulent, le président Trump n'a pas hésité à rejeter la responsabilité de cette polémique sur le dos de ses prédécesseurs. «L es démocrates peuvent apporter une solution à la séparation forcée des familles à la frontière en travaillant avec les républicains à une nouvelle loi, pour une fois», a-t-il tweeté samedi. Pour justifier sa «tolérance zéro», le Président a également rappelé lundi qu'il refusait que son pays connaisse le même sort que l'Europe en matière d'immigration et a évoqué «l'augmentation du crime en Allemagne» liée selon lui à l'accueil des réfugiés. En échange de la fin de cette mesure de séparation, Donald Trump réclame à ses opposants le vote de sa réforme migratoire qui s'enlise depuis des semaines au Congrès.

Chantage présidentiel ? Kellyanne Conway, conseillère en communication du président américain, a rejeté l'hypothèse sur NBC dimanche soir : «En tant que mère, en tant que catholique, en tant que personne avec une conscience, je vous assure que personne n'aime cette politique. Vous avez vu le Président à la télévision, il veut que cela se termine.» Et d'ajouter : «Personne n'aime voir des bébés arrachés des mains de leur mère.»

Figure respectée du camp républicain, l'ex-première dame Laura Bush est elle aussi montée au créneau. «Notre gouvernement ne devrait pas en arriver à parquer des enfants dans d'anciens entrepôts réaménagés», dénonce-t-elle dans une tribune publiée par le Washington Post : «Je vis dans un Etat frontalier [le Texas, ndlr]. Je suis sensible à la nécessité de faire respecter et de protéger nos frontières, mais cette politique […] est cruelle. Elle est immorale. Et elle me brise le cœur.» Elle n'hésite pas à faire un parallèle avec «les camps d'internement des Américains d'origine japonaise durant la Seconde Guerre mondiale, […] que nous considérons désormais comme l'un des épisodes les plus honteux de l'histoire américaine.»

«Honteux». A mesure que les récits sur des enfants séparés de leurs parents s'accumulent dans les médias, le scandale enfle. Les centres de rétention sont débordés. Dimanche, le jour de la fête des pères, un groupe de membres du Congrès s'est rendu à Brownsville au Texas, dans un ancien supermarché Walmart qui accueille 1 500 garçons. Sur place, le démocrate Peter Welch a dénoncé les conditions de détention des mineurs : «Nous avons vu des enfants enfermés dans des cages. Seuls. Pas un parent en vue. C'est honteux.»

Les républicains devraient présenter deux propositions de loi la semaine prochaine. La première irait dans le sens de la droite la plus dure en matière d'immigration, tandis que l'autre se veut plus consensuelle tout en incluant les exigences de Donald Trump - notamment sur le mur à la frontière et des limites pour l'immigration légale. Au moment d'ouvrir une session du Conseil des droits de l'homme lundi, Zeid Ra'ad al-Hussein, le haut-commissaire de l'ONU, s'est indigné de la politique américaine : «Penser qu'un Etat puisse chercher à dissuader des parents en infligeant de tels abus sur des enfants est inadmissible.» Hasard du calendrier, alors qu'une session du Conseil des droits de l'homme de l'ONU a démarré, une source diplomatique a annoncé que les Etats-Unis pourraient renoncer à y siéger.