On ne souhaite à personne un dimanche soir comme celui que vient de passer Angela Merkel. La chancelière allemande avait convoqué sa garde rapprochée de la CDU pour une soirée entre intimes. Au programme des réjouissances : la crise politique majeure qui l'oppose à son ministre de l'Intérieur Horst Seehofer sur la question migratoire, mettant en péril la stabilité gouvernementale ; et, natürlich, le match Allemagne-Mexique.
Le football ne fut donc pas de nature à remonter le moral des foules. Le match de la Mannschaft face au Mexique (0-1) a commencé par une polémiquette sur l'hymne allemand : Mesut Özil n'a pas desserré les lèvres pendant le chant. Un éditorialiste du Bild s'en est pris avec violence (un mode de communication tout à fait habituel pour ce journal) au joueur d'origine turque, englué depuis mai dans une polémique après avoir posé avec un Recep Tayyip Erdogan en pleine campagne électorale. Avec Ilkay Gündogan, il est désormais la cible de campagnes très agressives de la part de la droite, de la droite dure et de l'extrême droite. Cela fait donc beaucoup de monde. Et ce n'est pas sa prestation pendant ce match qui va ramener tout ce beau monde à de meilleures dispositions.
«Boycott de la Coupe du monde»
Lundi matin, la presse allemande divise ses unes en cette journée décisive pour le gouvernement – et commente la défaite d'hier. «Faux départ pour le Mondial», annonce le Tagesspiegel, citant la phrase très commentée de Jérôme Boateng : «Pour être franc, c'est le pire départ de la compétition.» Le tabloïd Bild, plus gros tirage du pays, est naturellement très en colère et s'adresse directement à l'entraîneur Joachim Löw, dont le petit nom est Jogi : «Jogi, c'était un boycott de la Coupe du monde !!» Et d'enfoncer le clou : «La pire défense depuis des années !! Des attaquants invisibles.» «Les fondations vacillent», renchérit le quotidien munichois Süddeutsche Zeitung, ajoutant : «Il y a des raisons de s'inquiéter.»
Pour en revenir à la politique, rappelons que le ministre de l'Intérieur néonationaliste Horst Seehofer est aussi ministre des Sports. Ainsi, l'édition en ligne de l'hebdomadaire Die Zeit relève, ironique : «Sous la direction du ministre des Sports Seehofer, l'Allemagne n'a gagné aucun match du Mondial. Je dis ça, je dis rien.»
Le parti satirique Die Partei, via l'une de ses sections locales en Bavière, relève que «77 ans plus tard, toujours pas de victoire allemande à Moscou» : allusion à la Seconde Guerre mondiale et la bataille de Moscou, en 1941.
Nach 77 Jahren: Noch immer kein deutscher Sieg in Moskau⁰#TeamVorrundenaus #WM2018 #germex #worldcup #Moskau pic.twitter.com/GdcDz52FHg
— Die PARTEI Freising (@ParteiKVFS) June 17, 2018
Sinon, on pourra donc revoir avec un sourire sarcastique ce navrant montage publié dans l'édition dominicale de Die Welt (quotidien du groupe Axel Springer, what else?), mettant en scène une délicieuse blagounette, surtout par les temps qui courent – et a fortiori de la part d'Allemands : «Désolé le Mexique, aujourd'hui c'est nous qui construisons le mur !»
Als nächstes sticht @welt am Sonntag auf Schlauchboote im Mittelmeer ein? Rassismus. Unmenschlich. Steine im Kopf wo sonst Menschlichkeit sitzt. Mehr als 2000 Kinder inzwischen in den USA von ihren Eltern getrennt, weil Rassist Trump die Mauer zu Mexiko will.
— Jutta Ditfurth (@jutta_ditfurth) June 17, 2018
Darum #Vorrundenaus https://t.co/8ILRZeWWRA