Un peu d'air frais pour le bouillant général thaïlandais. La visite du chef de la junte et Premier ministre Prayuth Chan-ocha en Grande-Bretagne, puis, du 22 au 25 juin, en France, marque la relance des relations entre l'Union européenne et la Thaïlande, après un froid de plusieurs années. Le général bougon doit notamment rencontrer le président Emmanuel Macron lundi. Même si Paris et Londres continuent à insister sur un retour à un gouvernement civil élu après quatre ans de régime militaire, les perspectives d'une relance des relations économiques ont relégué au second plan les préoccupations vis-à-vis de la répression contre les libertés publiques en Thaïlande et la première exécution depuis 2009 d'un condamné à mort par injection.
Quelle est l’importance de ce déplacement européen pour la junte thaïlandaise ?
Pour la junte thaïlandaise, ce périple européen symbolise le dégel des relations avec les pays européens qui avaient suspendu toutes les visites officielles et les négociations sur un accord de libre-échange Union européenne-Thaïlande immédiatement après le coup d'Etat du 22 mai 2014. Les militaires thaïlandais sont très sensibles à l'image internationale du pays et la mise au ban de la Thaïlande pendant plus de trois ans par les pays occidentaux avait entaché la crédibilité du régime militaire. Cela renforce donc aussi la position de la junte vis-à-vis de la population thaïlandaise, parfois inquiète de la prépondérance prise par la Chine dans les relations internationales du royaume.
Le fait que la visite du général Prayuth en France démarre à Toulouse où une série d'accords va être finalisée entre la Thaïlande et Airbus, notamment celui portant sur l'achat d'un satellite d'observation Theos-II pour un montant de 185 millions d'euros, montrent la prédominance de l'économie sur le politique dans les relations bilatérales. L'Union européenne a toutefois insisté sur le fait que la conclusion d'un accord de libre-échange ne pourrait se faire qu'avec un gouvernement élu.
Quelle est la situation politique quatre ans après le coup d’Etat ?
La répression contre les libertés publiques, particulièrement la liberté d'expression et la liberté de rassemblement, persiste, même si la junte est suffisamment astucieuse pour ne pas dépasser certaines limites afin de préserver son image extérieure. Les étudiants qui s'opposent au régime sont ainsi arrêtés à chaque manifestation, puis rapidement libérés sous caution. Mais le harcèlement est permanent. Même les Thaïlandais qui soutiennent simplement des partis politiques opposés à la dictature sont intimidés par la police. Du fait de scandales de corruption impliquant des militaires de haut rang, la popularité de la junte et donc celle du général Prayuth ont fortement chuté ces derniers mois. Récemment, les généraux ont particulièrement renforcé la répression sur les réseaux sociaux, faisant condamner à de lourdes peines de prison des militants prodémocratiques ou même de simples citoyens pour leurs commentaires critiques sur Facebook ou pour avoir simplement «aimé» ou «partagé» un post.
Comment se présentent les élections prévues en février prochain ?
Après de multiples promesses non tenues et d'incessants reports, les élections législatives devraient se tenir en février. La constitution rédigée par un comité choisi par les militaires et approuvée lors d'un référendum durant lequel il était interdit de faire campagne pour le «non» a mis en place un cadre qui doit permettre aux militaires de continuer à contrôler le pays après le scrutin. Un sénat de 250 membres, entièrement nommé par la junte, doit jouer un rôle clé lors de la sélection du Premier ministre – un rôle auquel le général Prayuth semble aspirer. Par ailleurs, la constitution met en place un plan stratégique sur vingt ans concocté par la junte et que devront respecter les gouvernements élus successifs sous peine de sanction pénale.
A quelques mois des élections, le régime militaire continue d'interdire les activités politiques pour tous les partis, mais le général Prayuth, sous couvert de programme de développement social dans les provinces, mène à travers le pays ce qui a tous les traits d'une campagne électorale intensive. Le modèle visé par la junte semble être celui d'un système où les libertés publiques sont réduites sous prétexte de «sécurité nationale» et «d'harmonie sociale» et où la dimension démocratique se réduit à la tenue d'élections strictement encadrées tous les quatre ans.